Complexité

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Pensée complexe

André Giordan


Le développement scientifique et les technologiques nouvelles affectent durablement nos vies et engagent les générations à venir. La mondialisation de l’économie et de la finance, favorisée par une intense circulation des biens, des services et, aujourd’hui, de l’information, ne fait qu’accélérer ce processus.
Les défis environnementaux se multiplient : gaspillages d’énergie, surexploitation des ressources naturelles et pollutions de toutes sortes qui dépassent les capacités régulatrices des écosystèmes, voire de la biosphère.
Les défis épidémiologiques réapparaissent. De nouvelles maladies se développent, dont certaines, les cancers de l'amiante, le syndrome de l’hormone de croissance, la maladie de Creutzfeld-Jakob sont directement imputables à des technologies insuffisamment maîtrisées. Des maladies anciennes, que l’on croyait à jamais éradiquées, refont surface: nombre de bactéries sont devenues résistantes, suite aux emplois abusifs d'antibiotiques.
Par ailleurs, notre société découvre les enjeux liés à l’essor des biotechnologies -OGM, naissance assistée, clonage, etc. La société se trouve donc placée devant un autre grand défi: comment opérer le contrôle démocratique des choix ? Le développement des sciences et des technologies ne peut plus être envisagé sous le seul angle du marché économique. Des régulations nationale et planétaires sont à mettre en place. Or la plupart des citoyens et de leurs représentants politiques se déclarent impuissants face à la complexité des problèmes que ce développement génère...

Il importe de stimuler une réflexion et d'accroître le niveau de formation des citoyens. Et cela à une époque où nombre de nos savoirs et de nos façons de raisonner se trouvent dépassés du fait des nouvelles avancées scientifiques et des nouvelles contraintes liées à l’évolution du contexte mondial... Il était devenu habituel de nous situer dans un monde constant, régulier, permanent. Jusqu’à présent, le mode de pensée se modelait sur la physique du XVIIIème siècle. On savait maîtriser ce qui était clair, régulier et “logique”. Aujourd’hui, comment affronter l’inconfort du flou, du fluide, du volatil ? Comment prendre en compte l’inattendu, l’incertain, le paradoxal, le contradictoire, le complexe ?
De nouveaux savoirs-repères constitutifs d’une culture de la complexité sont à faire émerger, notamment au niveau des concepts organisateurs ou des démarches. De plus, il s'agit de favoriser le questionnement des individus, de développer leur esprit critique, de clarifier les valeurs véhiculées par la société et de provoquer une confrontation avec les experts. Il n’est plus possible de leur faire confiance les yeux fermés. En permanence il s’agit de savoir d’où ils parlent et sur quoi ils se réfèrent.

 

Démarches pour approcher la complexité

 

Démarche pensée complexe

Parmi les démarches à associer, André Giordan en a répertoriées plusieurs pour mettre en place un « environnement d’appropriation de la pensée complexe » (EAPC). Citons notamment celles qu’il a mises en avant ou qu’il a développé à partir de ces recherches :


-  la pragmatique,
-   l’analyse systémique,
-  la physionique, ou encore
-  l’approche « savoirs émergents ».


Toutes s’imposent comme «ressources» de formation. Toutefois pour être pertinentes et susciter un changement de comportement chez les personnes, ces démarches doivent être croisées avec :


-   des concepts structurants (exemples : organisation, régulation, émergence, etc.),
- une clarification des valeurs, et surtout
-  un questionnement sur les paradigmes dominants ou personnels ;
autres recherches qu’il continue à développer.


La pragmatique

La pragmatique est une ressource propre à apporter des solutions -ou du moins des optimums- à des situations qui posent problème, de les mettre en place et d’en évaluer la pertinence pour les affiner. En premier, elle conduit à poser le ou les problème(s) ; du moins, elle tente de les formuler pour donner prise à une ou plusieurs investigations. Où sont les obstacles, les limites, comment les énoncer ? Cela nécessite de distinguer l’essentiel de l’occasionnel, d’envisager les différentes dimensions de la situation et préciser les acteurs, les interactions et les enjeux.


 

 

 

 

 

 

 



Etapes d’une pragmatique

Ensuite l’investigation proprement dite peut commencer. Pour chaque problème, les causes, les interactions principales et secondaires sont à rechercher. Comme elles sont généralement multiples et en rétroaction, il s’agit alors les hiérarchiser, mettre en avant leurs interrelations et les structurer dans le cadre d’un système dont les limites sont à préciser (le lieu : le groupe, l’entreprise, la ville, la région, la biosphère, etc.). Les obstacles aux changements sont également à identifier. Les entraves sont toujours sous-estimées : avantages acquis, habitudes de vie, gestion administrative, réglementations de tout ordre, habitudes ou peur du changement, etc. Une recherche de compensations satisfaisantes pour préserver les intérêts afin de faire accepter les changements est à inclure. Plusieurs scénarios peuvent être conçus en parallèle, chacun étant élaboré à partir de valeurs différentes ; les données, les règles du jeu évoluent de jour en jour.
Enfin, il est rare qu’une démarche de type complexe puisse réussir d’entrée ; un processus d’évaluation doit être mis en place lors de chacune des phases. L'important est la régulation des problèmes, des optimums ou du changement, plus que la réponse qui ne peut être que conjoncturelle. Ce processus ne peut être en aucun cas envisagé de façon linéaire et descendante. Une approche multiple, régulée, transversale et ascendante est préférable (voir fig. 3.). Mais encore s’agit-il de les penser en fonction des ressources, des possibilités et de la culture du lieu.

L’analyse systémique

L’analyse systémique parfois nommée démarche systémique est une autre ressource de formation complémentaire ; elle vise à clarifier et à formuler une réalité (événement, situation, etc.) en tant que système. Elle permet de préciser en particulier :
- les niveaux d'organisation,
- les états possibles du système,
- les échanges entre les sous-systèmes (flux, turn-over, etc.),
- les limites et les échanges avec l’environnement,
- les facteurs de régulation internes et externes et leur dynamique.
Complémentaire de l’analyse cartésienne qui réduit la complexité à la compréhension des composants élémentaires, l’analyse systémique devient pertinente pour décoder les systèmes complexes présentant un certain niveau d'incertitude, d’instabilité ou de flou. Il ne s'agit plus de comprendre en décortiquant chaque partie du système ; au travers d’un regard global du système, elle modélise :
- l'interdépendance des éléments, le plus souvent en matière de flux de matière, d'énergie et d'information,
- l’interdépendance du système et de l’environnement,  et
- la « cohérence » de l'ensemble.

L’analyse systémique pilote ainsi le réseau des relations (en particulier le réseau des chaînes de régulation) entre les éléments ou les acteurs du système. A travers la production et le fonctionnement d’un modèle, elle conduit :
- à matérialiser une organisation, souvent hiérarchisée selon plusieurs niveaux,
- à fixer les limites du système, son histoire et les interactions avec son environnement.
Pour que le modèle devienne opératoire, il importe de prendre en compte certains indicateurs et surtout de respecter certaines lois constitutives de toute  :
- décomposer le système selon des critères précis en sous-systèmes et en modules fonctionnels,
- reconnaître sa frontière pour pouvoir distinguer ce qui fait partie du système de ce qui appartient à l'environnement,
- travailler en priorité sur les liens, les interactions, les régulations,
- détecter les signaux faibles, qui renseignent sur les tendances du système,
- ne pas prétendre à l'exhaustivité mais viser plutôt la pertinence.
- alterner l’approche théorique et l’approche de terrain,
- accepter le niveau d’exigence optimum.

La maîtrise de l’information

Pour produire du nouveau, il faut avoir fait le bilan du savoir antérieur, avec la conscience des limites, des contraintes et de la solidité des concepts en place, ceux qui font consensus dans la communauté scientifique. Il faut également maîtriser les domaines connexes, parfois des savoirs éloignés, se révéler apte à faire des rapprochements et à manipuler des modèles. L’hypothèse fructueuse naîtra souvent d’une combinaison originale de savoirs établis.
Dans la pratique quotidienne de la recherche, il faut pouvoir étayer ses idées, les faire évoluer en fonction des résultats obtenus, les confirmer ou les modifier. Cela suppose d’être au courant des nouvelles pistes à exploiter, des technologies en développement.
Le travail du chercheur n’est pas uniquement expérimental. Auparavant, il doit se constituer une culture sans faille. Pour cela, il doit établir une bibliographie du domaine spécialisé qu’il étudie, sans négliger de l’enrichir par des références sur les sujets voisins.
D’abord, identifier un document pertinent, c’est-à-dire “utile” pour le travail projeté, n’est pas une fin en soi. Encore faut-il savoir l’utiliser ! La tendance spontanée est une lecture exhaustive et linéaire : l’étudiant avale l’article du début jusqu’à la fin et il se demande combien de temps il devra passer sur un livre de plusieurs centaines de pages. S’il lit sans prendre de notes, son attention se relâche et il risque de passer à côté des informations utiles. S’il prend des notes, il a tendance à perdre de vue l’idée générale, ne sait pas trier et accumule des détails inutiles.
Ensuite, en “vrac” que retirer d’une lecture même conduite avec discernement ? Comment reconnaître les idées principales des idées secondaires ? Comment réaliser un résumé analytique qui représente un bon équilibre entre une sous-information frustrante ou une sur-information dommageable.
Comment ne pas se sentir submergé ? Comment trouver les documents utiles ? Doit-il tout lire ? Où s'adresser ? N'existe-t-il pas des méthodes pour ne pas perdre trop de temps à travers les millions de pages imprimées chaque année ? Comment résumer un livre, un article ? Comment faire surgir les idées importantes ? Quand et comment consulter les livres de synthèse, les rapports de recherche, les notes, les fiches techniques ou les notices de matériels, les prépublications, les archives ? ...
Comment choisir un périodique scientifique ? Comment apprendre à être un utilisateur efficace ? Comment s’y retrouver dans les rubriques régulières ou irrégulières ? Identifier les articles de fond, les dossiers, les nouvelles, les informations techniques ou pratiques ?
Enfin, comment trouver le livre adapté à ses besoins et à son niveau de connaissances ? Comment identifier un ouvrage ? Quelles sont ses particularités et sont-elles différentes de celles d’un article ? Comment reconnaître ses différentes parties et quelles sont leurs fonctions ? Est-il possible d’enregistrer un ouvrage identifié pour y revenir par la suite ? Et surtout, comment rédiger sa propre bibliographie ?


Phases d’une démarche de documentation

 

La physionique

Pour prendre en compte la complexité, il faut sortir des certitudes, abandonner les habitudes, les évidences et les tabous pour élaborer de nouveaux repères. Quand il n’existe pas de solutions engrangées dans la mémoire collective, pourquoi ne pas les faire émerger des interactions déjà existantes, notamment en prenant un référent complexe mieux connu : le vivant. Les organismes vivants savent gérer le complexe, l’inattendu, l’incertain, le paradoxal, le contradictoire. Ils ont fait leurs preuves en matière d’organisation et de complexité. Des milliards de solutions ont été engrangées lors de ses 3,5 milliards d’années d’évolution pour faire face à des situations plutôt délicates.
Telle est l’idée originale que développe la physionique. Cet intérêt pour le vivant à des fins de comprendre n’est pas neuf. A plusieurs époques, l’homme a puisé dans la Nature pour inventer des objets technologiques. Parmi les productions les plus célèbres, citons le velcro de Georges de Mestrel imitant le système d’accrochage d’un fruit, celui de la bardane. De même, des revêtements pour sous-marins limitant les turbulences ont été inventés après étude de la peau des dauphins. Dans l’architecture, l’homme s’est largement inspiré des formes naturelles.
Cette approche analogique s’appelle la bionique. La physionique renouvelle cette démarche. Au même titre que les structures anatomiques, les aspects fonctionnel et relationnel, les processus, les dispositifs inventés par le vivant concernent la société, l’entreprise, les ONG ou autres associatifs. De leur maîtrise, naissent des idées et des pratiques neuves pour appréhender les situations complexes. Prenant appui sur les solutions envisagées par le vivant, les “physioniciens” essaient alors en matière de complexité:
- d’exploiter des analogies,
- de forcer des comparaisons,
- de vérifier la pertinence de principes, ou
- de transposer des approches.
Les applications les plus efficaces ont été constatées en matière de communication, notamment les communications transversales (entre sous systèmes), de capteurs internes ou externes, et de types d’organisation et de mémoire.

La démarche « savoirs émergents »

Pour approcher les questions vives, une démarche dite de « savoirs émergents »  a été conçue et corroborée. Elle consiste à repérer, nommer et formaliser de “nouveaux” savoirs par une confrontation « d’expertise » citoyenne. Elle prend place pour formuler et tester des savoirs qui n’ont pas de référents dans la recherche universitaire ou dans les pratiques des corporations. Ce sont des :
- savoirs pour comprendre et pour agir, mais également
- savoirs sur le “vivre ensemble”, pour répondre aux interrogations des uns et des autres, tant au niveau social que personnel.
La méthodologie collective  (Giordan, Herber-Suffren et all 2007) mise en place consiste à :
• repérer les questions restées sans réponse, qu’elles soient relatives à des problèmes sociaux ou personnels,
• chercher comment problématiser quand il n’y a pas de référent;
• multiplier les expériences (ou tirer parti des expériences diverses),
• mettre en commun les hypothèses, les idées (situations optimisées, analyse des échecs),
• confronter les pratiques de remédiation (solutions alternatives, pratiques de changement).
Enfin, il s’agit toujours d’innover, d’évaluer celles-ci et de mutualiser les approches.

Les concepts structurants

Actuellement les individus sont perdus dans une foule d’informations, de savoirs émiettés et non situés. Ils ne peuvent dès lors les exploiter, ces données demeurent éparses. L’introduction de « concepts organisateurs » introduit des « balises» dans la formation PC ; ils confèrent du sens aux éléments repérés et mémorisés.
Un « concept organisateur » fonctionne comme un « centre de gravité ». Il induit des liens dans la masse des informations. «Colonne vertébrale» d’un réseau conceptuel, il évite l’empilement des données. Il permet de rassembler, de classer, de catégoriser et de chercher des similitudes... bref, de comprendre. Il fournit parallèlement des instruments pour décoder la réalité, pour mettre en ordre le complexe. Il « ouvre » la pensée en introduisant un autre regard sur une situation, un phénomène. Un concept organisateur permet de « nourrir » les problèmes apparents ou d’en voir de nouveaux. Il est d’autant plus pertinent qu’il permet ce regard sur des réalités très diverses.

Réseau de savoirs organisateurs

Malgré des évidences premières très différentes, un atome, une cellule, un individu, ou même une entreprise sont tous des « organisations ». La famille, la tribu, une association, peuvent être envisagées également de la sorte ; de même pour un écosystème, les systèmes d’échanges de valeurs boursières ou encore le réseau Internet.

La clarification des valeurs

Dans le cadre d’une approche complexe, il apparaît essentiel de prendre également conscience des valeurs qui sous-tendent les choix généraux (politiques, économiques, etc.) ou quotidien :
1. Pourquoi a-t-on fait ce choix ?
2. Qui a pris la décision, en fonction de quels critères ?
3. Quel a été le mécanisme de décision ?
4. A-t-on évalué les retombées à court terme, à long terme ?
5. En définitive, le choix a été effectué en fonction de quels systèmes de
valeurs ?
Lors d’une formation PC, tous ces points sont à clarifier : les choix qui dictent les décisions, mais aussi le système de valeurs qui les sous-tend. A une époque où les valeurs habituelles sont contestées, il devient impossible de transmettre un système de valeurs particulier. Au contraire, il devient indispensable de progresser dans la recherche des valeurs les mieux adaptées à une survie de l’humanité sur le long terme d’une part ou d’autre part des valeurs du « vivre ensemble ».
Une approche de clarification de valeurs permet à chacun de se révéler à lui-même les éléments de son propre système de valeurs (pas toujours cohérent !) et d’en identifier les principales composantes et conséquences. Collectivement, elle peut faciliter la discussion sur les valeurs à partager. L’important est que les valeurs ne s’imposent pas par obligation, par mode et encore moins par la force, mais qu’on puisse les discuter jusque dans leurs conséquences ultimes.

Le travail sur les paradigmes dominants ou personnels

La pensée repose sur des raisonnements ; or ceux-ci sont emplis surtout d’évidences, de lieux communs. Elle conduit à des prises de décision qui reposent parfois sur des façons de raisonner automatiques ou des non-dits. Ces mécanismes intimes font référence à « la pensée la plus commune ». Certains sont installés depuis la plus tendre enfance, transmis de générations en générations, sans être interrogés. Ils peuvent correspondent à des croyances partagées. En d'autres termes, des implicites s'imposent de la façon la plus évidente. L’école, l’université les entretient, notamment dans des disciplines supposées « nobles » comme les maths ou les sciences. Ces paradigmes sont autant de paramètres limitants à l’instauration d’une pensée complexe… En formation, il s’agit de les questionner et surtout de les travailler.
Par exemple, 1+1 ne fait pas toujours 2 ; l’addition, telle qu’on la conçoit, n’a d’intérêt que sur une classe bien particulière de problèmes. Onze individus additionnés peuvent créer des millions d’euro de bénéfices si ces onze individus constituent une équipe de footballeurs qui gagne le championnat du monde. Au contraire, cela peut valoir des milliards de dollars de perte si ce sont onze administrateurs qui se combattent au sein d’une multinationale. En conditions complexes, une autre « logique » est à introduire, celle de penser « interaction », « régulation » ou « émergence ». De multiples autres paradigmes sont ainsi à ciseler (tableau 3).

Notre façon de distinguer repose sur une autre habitude de pensée, elle nous renvoie automatiquement à une catégorisation très souvent binaire. “Je distingue l’un de l’autre” et “si c’est l’un, ce n’est pas l’autre”. Si je choisis de dire que c’est A, ce ne peut pas être B”... Mais quand commence “A” ?.. Et “A” est-il si permanent ou si délimité, comme le supposent les mathématiques classiques ? Prenons un être vivant : A ne reste pas toujours A tout au long de sa vie. Il grandit, il mûrit, il vieillit. N’a-t-il pas une histoire qui le rend pourtant différent jour après jour ? Quand l’être vivant A interagit avec B, reste-t-il toujours A, ne devient-il pas A’ ? Dès qu’il apprend, l’individu est-il toujours totalement le même ? Le seul principe d’identité -autre paradigme implicite- a de grandes limites qu’il importe d’appréhender. Sans cela, la pensée reste totalement inopérante.

 

Textes « historiques »

Editorial d’une chronique qu’André Giordan faisait dans les années 1990 pour un des premiers sites Le Petit bouquet

Arrêtons de nous raconter des histoires...

Notre époque est faste en interrogations. Nos sociétés se crispent, notre environnement et la biosphère paraissent atteints, des épidémies nouvelles, à commencer par les maladies nosocomiales, celles qu’on attrape à l’hôpital, se propagent. Et surtout, des entreprises qui hésitent, des individus qui se cherchent ou ont “mal dans leurs têtes”. Plus rien n’est comme avant !.. Plus rien n’apparaît prévisible...
Tout paraît si intriqué, si complexe. Même le travail, valeur repère sur lequel on pouvait structurer une société devient autre chose. Dès lors comment gérer sa vie, sa famille ? Comment développer harmonieusement une ville? Sur quoi baser un lien social ? Peut-on penser une entreprise citoyenne ? Peut-on agir sur le long terme ?
Les projets religieux ne sont plus crédibles, les grandes idéologies ont échoué. Qui va remplacer les prêtres au seuil du troisième millénaire ? Emporté, le rêve capitaliste dans la nausée des banlieues de grandes villes américaines où se mêlent désespoir, chômage, drogue et crime. Disparu, le mythe communiste... Que mettre à la place ? N’y aurait-il plus que chienlit ?
Et si nous nous trouvions seulement face à un changement d’époque ? Au moment où nous voyageons à 300 km/h dans des trains climatisés, où la planète communique par Internet, où la conquête de la Lune est déjà loin dans l’histoire et où la mondialisation des économies peut interféconder les cultures, il nous faut penser autrement.
Il devient évident qu’il nous faut cesser de réagir à travers des pratiques et des valeurs anciennes, à commencer dans nos organisations sociales et... dans nos façons de vivre.
Ce sont nos modèles, nos approches, nos façons de raisonner qui ne sont plus en phase avec la réalité. Nous passons d’un espace limité où tout pouvait être prévu à l’avance à un espace planétaire où il faut savoir réagir vite. Nos vies reposent encore sur des croyances dérisoires. Comme au temps où la raison, n’ayant aucune base solide pour s’exercer, avait inventé des repères futiles, voire des histoires, faute de mieux.
Chaque mois, à partir de données de l’actualité, le petit bouquet a demandé à André Giordan, professeur à l’université de Genève, biologiste et épistémologue, spécialiste connu sur le plan international des mutations sociales d’interpeller vos neurones.
Il vous proposera d’aller au delà des évidences ou de dépasser l’apparence. Il essaiera de vous remettre en question ou tout simplement de réexaminer vos façons de vivre ou de pensée !

La vache folle
Cette épidémie surprit l’Europe entière ; les personnes refusant de manger de la viande anglaise. Cette analyse systémique (réalisé en 1997) tentait de montrer l’interrelation entre les problèmes et leurs origines.

Le jus d’orange
Le jus d’orange est un écobilan réalisé dans le cadre du cours Education à l’environnement réalisé par André Giordan en 1998. Il fut révélateur sur les problème d’environnement qui font partie du quotidien. Ce texte eut un grand intérêt, il fut repris dans la presse et dans nombre d’articles et de conférences.

Le 11 septembre 2001
Cette atrocité fut l’occasion de nous interroger sur nos illusions et d’envisager comment sortir de cette pensée unique.