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Apprendre plus ou apprendre mieux ?

 

André Giordan

Extrait article Nice-Matin, 2017

L’école depuis ses origines institutionnelles est l’objet de controverses rudes. Ainsi alors que certains prônent l’"enseigner moins pour enseigner mieux", d’autres préfèrent "enseigner mieux en enseignant plus". Plus ne voulant pas dire pour eux « plus longtemps », mais « en transmettant davantage, à commencer par les bases ». Facile à dire ! Mais comment transmettre davantage ? Où sont les limites actuelles de l’enseignement ? Et ne se leurre-t-on pas toujours sur les bases ?

Actuellement le Collège compte 11 disciplines enseignées dont certaines sont quadruple : histoire, géographie, enseignement moral et civique. Sans compter le latin ! N’est-ce pas trop ? Surtout quand on regarde le nombre de thèmes de chaque programme. Ne devrait-on pas s’interroger sur l’impact de certains contenus ?.. Que retiennent-ils vraiment de ces corpus énormes ? Tout est survolé sans passion seulement pour les contrôles ou les examens. Rien ne les impacte vraiment.
Le plus typique est les contenus actuels de sciences du collège. En fin de cycle, la plupart des élèves ont retenu très peu des savoirs enseignés. Plus grave, ils sont pour la plupart d’entre eux lassés, nombre d’entre eux renoncent même à s’intéresser à ces disciplines par la suite. Les points enseignés ne répondent pas à leurs préoccupations de jeunes adolescents…
Plus grave, le désir d’apprendre, très grand en maternelle s’étiole progressivement au cours de la scolarité. Au lycée, il a pratiquement disparu ; les élèves se limitent à engranger quelques savoirs pour le baccalauréat qu’ils oublient tout aussitôt.

Un consensus difficile

Les programmes sont le fruit de consensus corporatistes, fruit de longues traditions au sein des disciplines scolaires. Par exemple, les mathématiques enseignées restent toujours « mécaniques » avec son rituel immémorial d’exercices standards à résoudre. Jamais -ou rarement pour quelques profs. éclairés-, on propose de poser les problèmes, de faire des estimations, de réfléchir sur les conventions, d’entreprendre une analyse systémique ou une pragmatique, démarches devenues indispensables dans notre société complexe.
Les rédacteurs ont du mal à faire évoluer les programmes, les habitudes sont fortes. Au contraire, ils ont tendance à les compléter, voire à les amplifier fermement dans le seul sens habituel pour donner une certaine importance à leur discipline… et donc des heures !.. On dénonce parfois les programmes « light », alors qu'un universitaire moyen ne maîtrise pas la moitié des contenus du programme du secondaire inférieur.
De plus, on peut se demander si les savoirs proposés à l’école d’aujourd’hui ne restent-ils pas le reflet des préoccupations de la « Belle époque », celles qui prévalaient au moment où l’école que l’on connaît se met en place. Seules les disciplines qui avaient cours à la fin du XIXème siècle continuent à être au programme ! On a juste fait un peu de « nettoyage » dans leur sein, on a ajouté dans le même cru…  Désormais a-t-on vraiment le temps d’enseigner tout ce programme et surtout pour l’élève de l’apprendre ? En survolant tout, rien ne fait sens.
De plus, est-ce vraiment pertinent ? Enfermés dans une lutte de territoires, les décideurs oublient en permanence ou évitent de se questionner sur… les savoirs dont un jeune d’aujourd’hui doit disposer pour comprendre le monde, la société, l’autre, se comprendre, participer à la vie citoyenne, aborder une activité professionnelle, en changer et surtout apprendre avec plaisir toute sa vie.

Les savoirs de base

Bien sûr, loin de nous l’idée d’évacuer les savoirs de base. Mais on ne peut plus se limiter au traditionnel « apprendre à lire, à écrire et à compter ». Face à la mondialisation, à l’émergence des technologies, dont le numérique, etc,.. ne devrait-on pas plutôt s’interroger sur ce que veut dire « apprendre à lire » en ce début de XXIème siècle ?.. Dans une société en mutation, savoir lire ce n'est plus seulement savoir déchiffrer un texte, c'est en premier comprendre et partager un message écrit. Avec les bases de données, les réseaux et les moteurs de recherche, il s'agit encore d'apprendre à lire en lecture rapide et en hypertexte. Enfin, apprendre à lire, n'est-ce pas encore s'interroger sur les sources, la validité et la pertinence des informations ? Les informations, leur diffusion, leur codage ne sont jamais neutres.
Dans les savoirs de base, des éléments fondamentaux de droit, d’économie, d’éthique, de la finance, de la santé et même de la consommation deviennent des passages obligés du B, A, Ba de la vie actuelle. Mais plus que cela, il est deux autres types de savoirs devenus incontournables. Le premier est « l’apprendre à apprendre », à envisager d’abord par une approche très concrète pour les faire entrer dans le métier d’élève : comment mémoriser ?,  On veut faire mémoriser, mais l’école ne fournit pas les clefs pour être pertinent… Autres éléments indispensables : comment rédiger suivant la demande ?, comment prendre la parole ?, comment faire un projet ?, comment prendre des notes ?, comment argumenter à l’oral ?, etc.. Une approche plus théorique peut être complémentaire : que veut dire apprendre et que permet l’apprendre ? L’essentiel des élèves ne voit que les aspects désagréables et fastidieux de l’apprentissage « par cœur ». Ils n’envisagent pas, faute de réflexions ad hoc, en quoi ce processus est totalement libérateur pour la personne.
Le second type concerne justement la « personne » qu’est chaque jeune. Apprendre à être, apprendre à devenir un citoyen responsable…, et pour commencer « apprendre à se connaître » comme le préconisaient déjà les anciens grecs devrait avoir une place de choix dans les fondamentaux de l’école. D’autant plus que le travail sur soi est un puissant moteur de l’apprendre… Dans ce cadre, l’important serait de favoriser la confiance en soi, l’estime de soi, le regard positif sur soi, sur l’autre et le désir d’entreprendre avec l’autre …
 

La question de la transmission

Bien sûr pas question d’encombrer une fois de plus les contenus éducatifs. Ce qui veut dire que nombre de savoirs habituels en mathématiques ou en grammaire sont à mettre de côté (1).… ou à apprendre autrement (2). En sciences, les savoirs doublent actuellement tous les 10 ans, on ne peut augmenter de la même façon les savoirs scolaires.

Un tel projet éducatif, même s’il peut être surprenant, ne serait pas très difficile à mettre en place ; il suffirait d’introduire –ce qui se fait déjà parfois- des « moments » intégrés ou transversaux. La question de la transmission est alors à (re)poser. Dépassons la controverse : pédagogie passive versus méthodes actives. L’apprendre est trop complexe pour n’être envisagé qu’à travers une seule méthode. L’enseignant doit pouvoir jongler avec un ensemble de démarches formatrices à adapter au contexte, au savoir en jeu et essentiellement à chaque élève. Simple question de formation !
Il est cependant un point crucial à dépasser. Arrêtons de faire de nos élèves de simples consommateurs de savoirs. Dès l’enfantine, ils attendent que l’enseignant enseigne pour commencer à se mettre en état d’être élève… Que de temps perdu ! Et au cours de la scolarité, ils passent leur temps à écouter ou à travailler au mieux sous la seule instigation du maître. Pourquoi ne pas susciter d’abord le désir de savoir et à travers l’apprendre à apprendre leur permettre de s’approprier les outils pour apprendre par eux-mêmes ?..  Devant l'accélération et le bouleversement des connaissances, savoir apprendre n’est-ce pas la principale compétence de l'avenir ?

 

 

 

1. Pourquoi attendre 6 ans pour envisager l’apprentissage de la lecture, alors qu’à 4 ans les enfants ont le désir et les structures mentales aujourd’hui pour apprendre seul à lire, à travers des jeux numérique mais pas seulement, sans… méthode comme pour apprendre à marcher ou à parler .

2. Beaucoup de savoirs d’usage pourraient être appris en autonomie à travers le numérique au rythme et à la discrétion de l’élève. Il pourrait même décider quand se faire évaluer…