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Le Smartphone à l’école : l’interdire ou apprendre ?..

André Giordan

 

L’usage du portable pose un réel problème de santé publique, voire de société. Pour nombre de jeunes, il est devenu une véritable addiction. La plupart des parents sont démunis pour introduire des règles de vie. Parallèlement, des enseignants se plaignent de ne plus pouvoir enseigner. Sur certaines tables des classes, notamment au collège, les smartphones trônent sans complexes ! Les élèves attendent la moindre inattention du prof. pour le prendre en main. Leur esprit est centré sur les réseaux sociaux aux dépends du savoir enseigné. Alors chaque prof. se débrouille dans son coin.
Toutefois, est-ce de « bonnes » raisons pour l’interdire de l’institution scolaire?.. N’est-ce pas plutôt une affaire de facilité pour nos politique (1).  Si les parents sont dépassés, n’est-ce pas à l’école de prendre le relai. Pourquoi a-t-on créé l’école à l’origine ? Pour suppléer aux limites d’instruction des familles.
Et si on mettait plutôt le smartphone au programme ?.. L’institution scolaire pourrait avoir le devoir d’interpeller, de faire prendre du recul et d’expliciter ses usages. Plutôt que d’interdire, elle devrait avoir pour objectif de conduire les élèves à un usage serein et pertinent de cet objet emblématique de la société à venir. En sus, dans son boitier et dans ses applications se logent beaucoup d’intelligences à partager. C’est ce qu’ont déjà compris nombre de responsables d’établissements et d’enseignants qui le pratiquent au quotidien. Ils prennent comme point de départ la passion de leurs élèves pour ce dispositif pour en faire un objet d’éducation, et cela sur différents plan : en matière de technologie, de santé, de citoyenneté et même d’apprentissage… Ce faisant, ils introduisent un autre rapport au portable et… aux savoirs.

Apprendre l’usage

Tout est d’abord une affaire d’usages… N’oublions pas que l’eau est le plus grand poison connu si on dépasse certaines limites. Pour éviter des «conduites excessives », des ateliers sont organisés pour travailler les limites d’usage en relation avec la santé, l’activité physique et le sommeil. Les élèves y apprennent à savoir prendre du recul, à ne pas se polariser uniquement sur cet objet et sur les réseaux sociaux.
On peut mettre en place des réseaux d’échanges de savoirs en direct, souvent plus attractifs que les quelques paroles échangés à distance. On peut organiser des ateliers où on apprend à parler de soi ou à faire des jeux de rôle pour travailler sa confiance en soi.  Etc..
Le téléphone est souvent un exutoire, quand les enseignants arrivent à introduire du désir, de l’envie de faire et de la réflexion, malgré les 4 murs tristes de l’école ou du collège, le téléphone est alors relativisé.

De l ‘épistémologie à la citoyenneté

Travailler sur le fonctionnement des réseaux sociaux est une formidable porte d’entrée pour comprendre notre époque. Des ateliers peuvent permettre de réfléchir sur les réseaux les plus utilisés, à savoir Snapchat, Instagram, Twitter, Facebook et Pinterest. Quels sont leurs avantages et leurs inconvénients respectifs ? Comment se fait-il que Snapchat prenne le dessus sur Facebook ? Comment fonctionne tel jeu ou tel réseau pour avoir du succès ? L’occasion de faire un « peu » d’épistémologie en démontant leurs fonctionnements.
Certains sites permettent de produire, éditer, développer ou partager des contenus. Par exemple, WordPress, Twitter, YouTube, Snapchat et Pinterest sont des outils d’édition, alors que Google Drive, DropBox, WeTransfer ou Sendspace favorisent le partage de médias. YouTube, Flickr et Instagram sont intéressants pour l’édition et le partage de vidéos et de photos. Les sites FotoFlexer, Picnik, Splashup (photos), Toondoo (bandes dessinées) et Voice Thread (audio) sont de remarquables outils d’édition ainsi que du mashup (2). Ces technologies offrent aux élèves la possibilité de collaborer au développement de contenu numérique dans le cadre de projets éducatifs. Notons que certaines de ces plateformes permettent d’enregistrer les conversations afin de les réécouter ultérieurement. Ce qui est très utile en matière de langues étrangères.
Sur un autre plan, on peut faire prendre conscience aux élèves de leur modèle économique. L’affaire Facebook/Cambridge Analytica est un bon support pour comprendre les détournements. Comme le déclarait Tim Cook, le PDG d'Apple : « quand le site est gratuit, le client est notre produit » ! Ces ateliers permettent ainsi d’approcher les risques propres à ces technologies et de les sensibiliser aux conduites de protection. Et pour commencer, de prendre conscience que les clichés de jeunes en fête restent et peuvent avoir des conséquences dans le futur ! La clarification de ces risques est très porteur : exposition à des images choquantes, divulgations d’informations personnelles, cyber-harcèlement, escroquerie et piratage de compte. On peut y aborder les cadres  juridiques en cours et notamment les limites posées par la loi : le droit à l’image, la protection des données personnelles, la diffamation.  L’actualité peut fournir nombre de cas d’école.

Apprendre avec le Smartphone

Avec un smartphone à portée de main, l’élève accède à une foule d’informations, il peut apprendre désormais à se situer, à lire en hypertext, à trouver l’information adéquate par rapport à la question qu’il traite pour ne pas s’y perdre. Il doit en permanence se poser la question de leur pertinence et de leur validité. Qui donne l’information ? Quels sont les enjeux ? Etc… La maîtrise de l’information est un objectif important de la citoyenneté actuelle.
Parallèlement, le smartphone lui donne accès à d’autres informations : dictionnaires, encyclopédies, atlas ; des volumes bien lourds qu’il serait impossible d’emporter dans son cartable. Les dictionnaires collaboratifs tels Bab.la et Vocabulary.com renouvellent l’usage du dictionnaire en classe. Ouverte à tous, l’encyclopédie en ligne Wikipédia est un bon exemple de Wiki. 
Les applications existantes, utilisables à des fins pédagogiques, sont multiples et certaines de grandes qualités. On peut y apprendre à lire dès 3 ans en jouant avec les images et les mots. De même, on trouve des applications pour apprendre les tables d’addition et de multiplication de façon moins revêche. Il existe des exercices très attractifs pour se situer dans les mathématiques, pour enrichir le vocabulaire ou travailler les fautes d’orthographe. Les enfants peuvent en faire un certain nombre par contrat à leur libre disposition du temps comme dans la pédagogie Freinet. Une façon de rendre moins rébarbative l’acquisition de ces incontournables.
Par des approches mnémotechniques et par la réalisation de cartes mentales, l’élève peut concevoir des fiches et travailler sa mémoire. Les arbres de connaissance que fournissent certains logiciels sont un moyen d’organiser ses connaissances. La baladodiffusion est un autre moyen pour faciliter la mémorisation. Dans le même temps, elle permet l'entraînement individuel et collectif aux compétences orales.
Même en sciences, les capteurs dont sont équipés les smartphones (thermomètre, humidité, pression barométrique, mesures de longueur, de pas, accéléromètre, gyromètre, etc.) permettent d’acquérir les données pour la réalisation d’expériences. On peut y programmer des robots, faire de la modélisation et de la simulation et envisager de la réalité augmentée.
Dès les petites classes, mais encore plus au collège et au lycée, ces nouvelles technologies sont encore un prétexte pour s’interroger sur les changements dans la société et même sur la notion de progrès. Autre question, quel glissement s’opère-t-il actuellement en matière de notoriété ? Certains Youtubers ont acquis et acquièrent chaque jour une présence internationale qu’ils n’auraient jamais pu envisager sans ces nouvelles technologies. Sont-ils les héros d’aujourd’hui parce que les « vues » et les « like» sur la toile se comptent par millions ?
A partir du Collège, travailler sur les fake news -ces infox ou fausses nouvelles comme on dit au Québec- est une autre bonne entrée sur notre époque. Ces informations délibérément fausses ou truquées émanant de médias non institutionnels, tels les blogs ou les réseaux sociaux de médias, d’entreprises ou de gouvernement, sont intéressantes à démonter en classe. Elles permettent aux élèves de s’interoger sur les mécanismes de l’information, notamment sur les tentatives de désinformation.

Envisager autrement la classe

Les possibilités pédagogiques du smartphone sont si riches qu’il est impossible de toutes les inventorier. La richesse des potentialités et la disponibilité de ces outils et ressources partout et à tout moment est un des facteurs essentiels permettant de progresser dans ses connaissances et ses apprentissages. Par exemple, en s’exerçant à restituer du vocabulaire, à utiliser des locutions de langue étrangère, à calculer mentalement, à formuler des problèmes, etc. On peut même y inclure des programmes interactifs permettant l’auto-évaluation par l’élève de ses apprentissages.
Arrêtons de dramatiser inutilement… il est temps de sortir cet instrument polyvalent des sacs des élèves et de le détourner pour l’utiliser pédagogiquement en classe… bien sûr pas uniquement et surtout avec recul ! Il est essentiel que les institutions scolaires (3) et le corps enseignant sélectionnent et partagent les ressources les plus intéressantes par discipline et pour apprendre à apprendre et que des formations spécifiques pour les enseignants se mettent en place.


1. Nos politiques préfèrent interdire ou couper frontalement, comme en matière d’économie, plutôt que de repérer les dysfonctionnements et y remédier…

2. C’est-à-dire l’utilisation et la modification de fichiers vidéo, audio ou photo déjà édités par d’autres

3. Eduscol avait commencé à recenser les bonnes pratiques du Smartphone en classe.