De nouvelles formes de muséologie

André Giordan

 

La muséologie en tant qu’activité de recherche et de conception reste « le parent pauvre» des conceptions des musées et des expositions d’art, de civilisation ou de sciences. Pourtant, elle est au « cœur du projet ; elle conduit en amont à concevoir le projet muséal, à organiser l'articulation dans l'espace des contenus et des objets, à penser les outils et supports de médiation, etc ; et elle introduit une dimension encore trop souvent oubliée dans ces institutions : prendre en compte réellement les publics avec leurs attentes, leurs questions et leurs structures de pensée.
En prenant appui sur différents projets réalisés avec notre intervention (Muséum du Luxembourg, Cité des Enfants (Paris), Alimentarium de Vevey, Apprendre Cité des sciences et de l’Industrie de Paris, Méditerranée, splendide, fragile, vivante et Requins : Au delà du malentendu, Musée océanographique de Monaco), comment envisager l’évolution possible de la monstration et de médiation ? Comment faire progresser la lisibilité, la compréhension et notamment l’attrait de ces lieux.

Concevoir un muséé, une exposition, un lieu de savoirs

Un musée, une exposition, un lieu de savoirs peut-il trouver un juste positionnement face aux attentes multiples du/des public(s) ? Du public "naturel" au public "client", Jean Davallon (1992) a largement développé les différentes possibilités offertes pour prendre en compte le/les visiteur(s). « L'offre du musée doit-elle entièrement correspondre aux attentes du public ou bien doit-elle uniquement tenir compte des collections du musée et de la création artistique ? Il s'agit d'atteindre un équilibre subtil entre ces deux extrêmes. »
Tout en tenant compte des divers apports théoriques (Viel et De Guise 1992, Lord 2002, Merleau-Ponty et Ezrati 2005, Schall et al. 2006), l’approche muséologique (1) développée au LDES (2) (Giordan et Guichard 2002) est toute autre ; elle se veut plus pragmatique en réponse à une demande (conservateurs, politiques, entreprises, ONG,..). Par rapport à un projet ou une attente spécifique qu’elle contribue à expliciter, cette approche muséologique part d’une évaluation sommative de l’existant pour établir un état de l’art le plus proche du domaine ou du thème. Elle introduit ensuite un processus de conception où les études de publics au travers d’une évaluation formative (Giordan et al. 1994) interagissent d’entrée avec les autres paramètres de la démarche (contraintes diverses, message envisagé,..). Son but est de fournir au scénographe un concept, un contenu, une « aventure » ou une histoire et un ensemble de propositions d’espaces, d’interfaces et de cartels qu’elle accompagne et régule jusque dans leur réalisation.

Nombre de formes et de formules ont auparavant été envisagées en muséologie. Des plus extrêmes, on est passé en arts des formes « pleines », celles du XVIIIème où les tableaux remplissaient les murs du sol au plafond à des formules « nues », comme celle imaginée par l’artiste Yves Klein (Klein 1958) ou celle plus récente de Le Bon au Centre Pompidou (Le Bon 2009). Dans le domaine scientifique, aux simples vitrines remplies de collections d’objets, successeurs des Cabinets de curiosité, ont succédé les dioramas, puis les espaces interactifs ou ludiques juxtaposés, chacun centré sur un savoir ou regroupés en îlots comme à la Cité des Enfants d’Universciences. De plus, il s’avère toujours délicat de faire évoluer ces lieux, les contraintes sont multiples et de tous types, les coûts importants et la place réservée à la conception muséologique plutôt minime par rapport à celles instituées des architectes ou des conservateurs/curators. Enfin, il est rarissime que le muséologue soit engagé comme commissaire de l’exposition.
Pourtant, il importerait d’être plus créatif pour faire émerger de nouvelles formes ou de nouvelles formules, au moment où naissent nombre de nouveaux projets en Europe, comme le Centre Pompidou à Metz ou le Louvre à Lens, ou dans les pays du pétrole et en Extrême-Orient et à l’heure où de nouveaux musées, de nouvelles politiques patrimoniales prennent naissance en Asie et au Moyen Orient.
Cela est d’autant plus indispensable que les musées, les expositions sont mis au défi des politiques économiques. Surtout on constate les prémisses d’un essoufflement des publics, notamment des publics jeunes par rapport à ces formes désormais traditionnelles. Certes les responsables du domaine se vantent en Europe, d’une hausse de la fréquentation ; celle-ci reste néanmoins faible en rapport aux populations ou aux flux touristiques. En France, il est mis en avant une augmentation de 5% des visites en 2011 par rapport à 2010 (même de 5,5% pour les monuments nationaux). Toutefois, le nombre de visiteurs reste globalement limité : seulement 27 millions de visiteurs comptabilisés en tout et pour tout dans les musées, malgré des expositions très médiatisées. Et dans ce contexte, certains musées, comme ceux de sciences et d’art contemporain attirent toujours fort peu, comme le démontrent ces données de l’enquête de 2008…


Types de visites en France (MCC 2008)

Au Louvre par exemple, malgré les classes accompagnées, seulement un tiers de jeunes de moins de 25 ans l’ont visité en 2009.


Fréquentation du Musée du Louvre par âges (Musée du Louvres 2009)


Un autre processus de conception

Sur le plan scénographique, les formes traditionnelles restent privilégiées, y compris dans les expositions de prestige les plus récentes comme le Monde Islamique du Louvre, l’exposition Dali au centre Pompidou, Exhibiting Fluxus au MoMa,..,. Seuls la scénographie et le graphisme  ont surtout évolué ces dernières années ; dans le même temps le numérique à travers les installations numériques et les QR (3) peine à prendre place.
Dans ce contexte, les évaluations montrent que le visiteur n’a pas la plupart du temps d’accroche pour entrer dans le propos. En sciences, il se trouve confronté à des questions qu’il ne se pose pas. En arts, il ne possède pas les codes de lecture s’il n’a pas fait un master éponyme. Dans les deux cas, le décalage demeure immense entre le curator, le conservateur, le scientifique, imprégné chacun de son message et de ses objets, et le visiteur avec ses préoccupations, ses attentes et ses conceptions autres. Cet état du domaine a conduit à :

  • (re)poser un certain nombre de questions déjà traitées par la muséologie institutionnelle : « au fait… le public, pourquoi est-il là ? » ; et
  • envisager d’investiguer de nouvelles questions : La Collection d’accord, mais… se suffit-elle à elle-même pour permettre une délectation ou a contrario faut-il « faire passer » un « message » ?.. Si oui… quel(s) message(s) envisagés ? Pour quels publics ?
    •  des repères ? des connaissances ?..
    • un simple questionnement ?..
    • une sensibilisation ?..
    • une démarche ?..
    • un regard sur… lui, sur un problème à traiter ? sur son environnement, sa société ? … et faut-il le concerner en tant que personne ou en tant que citoyen ?

Mais au préalable pour ce visiteur, encore faudrait-il connaître :

    • « qu’est ce qu’il attend de cette visite ?
    • qu’est-ce qu’il connaît déjà sur le sujet/thème/domaine/problème ?
    • qu’est-ce qu’il aimerait rencontrer ? connaître ? entreprendre ?, etc.. »

et comment ?
Par ailleurs :

    • quel niveau de lecture d’une exposition a-t-il ?
    • quels savoirs et quelles démarches de pensée maîtrise-t-il ?

L’approche de cet ensemble de paramètres, leur mise en interactions a conduit à faire émerger une nouvelle stratégie muséale. En fait, il s’agit d’un nouveau processus de conception « assistée » (4) pour concevoir autrement les espaces et la mise en savoir des objets, des textes et autres interfaces. Cette nouvelle stratégie de conception muséale mise en place a cherché à sortir du modèle habituel, linéaire et descendant, où tout part de la seule pensée « radieuse » et incontournable du conservateur/curator/scientifique chef de projet, fier de ses objets et sûr de son message. Elle lui substitue une approche interactive et régulée, préalable ou intégrée à la scénographie, où la composante public(s) et une prise en compte des contraintes sont intégrées dans le projet dès le départ, au même titre que le contenu ou les objets. De plus, en introduisant la dimension « publics » (5) au démarrage du projet, différentes innovations ont trouvé « naturellement » leur place dans ce processus pour pallier aux carences ou obstacles constatés dans l’existant.

Le muséum du Luxembourg

Ce processus de conception a été éprouvé à plusieurs occasions ; la première approche concernait la Cité des Enfants de la Cité des Sciences et de l’Industrie (Paris) dans les années 90 où nombre d’interfaces ont été réalisées ainsi (Giordan, Guichard, 2002). Toutefois, la première réalisation complète et aboutie a été la transformation du muséum du Luxembourg (6). Il s’agissait de repenser un vieux musée de sciences naturelles datant du XIXème siècle, pour le rendre plus « moderne » et « plus attractif », suivant la demande des conservateurs et du politique. Parmi les innovations introduites, deux se sont avérées particulièrement pertinentes. D’une part, il s’est agi de sortir du cloisonnement habituel en territoires -botanique, zoologie, géologie, etc..- qui n’a de sens que pour le monde universitaire. D’autre part, il s’avérait nécessaire de concerner, d’interpeller les visiteurs, de les mettre en questionnement, pour les faire entrer dans des contenus scientifiques, en lieu et place de leur fournir des réponses à des questions qu’ils ne se posaient pas.
Sur ce dernier plan, une optimisation, appréciée lors des évaluations finales, a été de différencier les salles, non plus en territoires, mais en type de fonctions. Trois types de salles ont été distinguées ; elles ont été nommées « espace de :

  • concernation,
  • compréhension,
  • « savoir plus ». »

Le niveau « concernation » avait pour projet d’interpeller, de questionner le visiteur pour lui donner envie de rencontrer un contenu, une démarche scientifique et des productions de chercheurs.
Le niveau « compréhension » fournissait des outils d’investigation, des processus d’analyse et des ébauches de concepts scientifiques. Une organisation proche du laboratoire présentait la science telle qu’elle se fait en mettant le visiteur en situation.
Le niveau « savoir plus » permettait de situer le savoir scientifique, soit par rapport à l’actualité, soit en relation à la société (notamment luxembourgeoise) et aux valeurs. Il apportait des éclairages sur l’état de la science, de l’environnement et sur les activités des chercheurs. Il était complété à la demande pour des érudits ou des curieux par des réserves « visitables ».

Sur le plan contenu scientifique, l’idée retenue a été de renverser le rapport au savoir. En lieu et place de partir du savoir scientifique pour décliner des messages à l’intention du public, le choix muséologique fut de partir des questions potentielles les plus fréquentes des publics, mises en avant par une enquête :

  • « qui suis-je ?
  • où je me situe ?
  • d’où je viens ?
  • comment je produis du sens ? »

L’espace concernation fut centré sur le « qui suis-je ? » Un dispositif « je suis unique », à travers quelques caractères héréditaires (taille, couleur des yeux, forme du nez et du lobe des oreilles, couleur des cheveux et empreinte digitale) interpellait sur le fait que chacun était une production unique. Un dispositif "de quoi je suis fait" étonnait sur la complexité d’un organisme humain (multiplicité des organes, nombre et diversité des cellules, types de molécules). Un dispositif "je ne suis pas seul" situait le visiteur parmi l’ensemble de la population du globe et le sensibilisait à l’évolution exponentielle de cette dernière.
A leur suite, plusieurs espaces de compréhension permettaient au visiteur au travers de plusieurs investigations de rechercher des informations sur :

  • « où je me situe ? » ou l’environnement du Luxembourg. Vivre la nature de près, admirer la beauté de nos paysages, écouter toute sorte de sons familiers, se sentir concerné par son environnement, tel était le message de cette salle ;
  • d’où je viens ? » ou l’histoire de l’évolution de la vie et dans son prolongement l’histoire de la Terre et de l’Univers. Par exemple, trois vitrines thématiques sur l’adaptation des membres, l’évolution des ammonites et les fossiles illustraient par de nombreux exemples pratiques quelques mécanismes de l’évolution. L’histoire était ainsi inversée ; on partait du premier Luxembourg pour remonter dans le temps et rencontrer à rebours les évolutions du vivant et de le Terre ;
  • et «comment je produis du sens ?» présentait l’histoire du cerveau et dans son prolongement de la culture.

Des salles plus spécifiques de style « pour en savoir » complétaient la visite. Par exemple sur le Luxembourg, les quatre régions -le Centre, l’Oesling, la région de la minette et l’Est-, étaient présentées par le biais d’objets typiques et variés qui retraçaient l’influence des facteurs abiotiques et biotiques sur la vie et la culture des habitants. Le visiteur pouvait participer à un voyage interactif à travers le pays en consultant une banque de données multimédia unique (7) alors au Grand-Duché. Une borne régionale centralisait en effet toutes les données des 118 communes sur leur géologie, leurs sites naturels et archéologiques, leurs arbres remarquables, leurs biotopes et leurs plantes et animaux respectifs.
A l’autre extrémité, les planètes, les systèmes solaires, les galaxies, tous innombrables, reconstituaient cet univers immense qui n’a cessé son expansion depuis son origine.

L’exposition Désir d’apprendre
Un processus de conception identique fut mis en place pour l’exposition Désir d’apprendre à la Cité des Sciences et de l’industrie de Paris. L’exposition fut conçue sur le même protocole en diversifiant les espaces sur le mode : concerner / comprendre / « en savoir plus ».
Le premier espace de l’exposition était une grande salle d’expériences ludiques et surprenantes. Les publics pouvaient exécuter un tour de magie, résoudre des énigmes, traverser un labyrinthe, conduire une trottinette… pour s’interroger sur sa propre façon d’apprendre.
Ensuite, les situations pour comprendre l’apprentissage étaient multiples et procuraient, au-delà des efforts suscités, nombre d’émotions : plaisir, excitation, frustration, satisfaction… C’est en s’aventurant dans la multitude de ces jeux et expériences que chacun pouvait :

  • se construire une nouvelle représentation de l’acte d’apprendre,
  • découvrir qu’apprendre est une activité quotidienne qui se pratique à tout âge, en maintes situations et de multiples manières.

Cette partie de l’exposition s’appliquait à montrer que l’acte d’apprendre est un processus dynamique, que l’anatomie cérébrale est en permanente évolution, qu’émotions et raisonnement vont de pair dans l’apprentissage, qu’un apprentissage se fait dans la durée ou encore qu’apprendre n’est pas un processus cumulatif et linéaire mais qu’il est fait de ruptures, d’incertitudes, de transformations.
Après s’être interrogé sur sa propre manière d’apprendre et avoir tenté d’en comprendre quelques mécanismes, le visiteur dans un espace pour « en savoir plus », abordait les questions de société liées à l’apprentissage, d’un point de vue culturel et technologique (8). Cet espace proposait tout d’abord un parcours historique mis en scène par un artiste, Anton, montrant l’évolution des pratiques éducatives dans les sociétés occidentales depuis l’Antiquité jusqu’aux années 1970. Ensuite, une série d’applications multimédias et de vidéos plongeait le visiteur au cœur du monde contemporain. Comment caractériser l’acte d’apprendre dans la société d’aujourd’hui ? Dans quelle mesure le développement des nouvelles technologies engendre-t-il des modifications dans les pratiques et les enjeux de la formation ?

D’autres innovations pour conclure

A travers toujours ce même processus, d’autres conceptions furent tentées dans d’autres lieux. Pour une exposition Méditerranée, splendide, fragile, vivante (9) où il s’agissait d’informer les visiteurs sur la biodiversité menacée de cette mer, quatre problèmes furent mis en avant et traités (10):
- la disparition du thon rouge,
- la prolifération des méduses,
- l’acidification de la mer et
- les espèces venues d’ailleurs.
Cette fois, l’espace était découpé en 3 parties intitulées :

  • « interpellation,
  • compréhension et
  • engagement »

Dans ce lieu de sciences, l’interpellation du visiteur a souhaité « jouer » non pas sur la cognition, mais sur l’émotion. Il avait été fait appel à un artiste de renommée internationale, Huang Yong Ping (11), qui, à travers une immense maquette mi-pieuvre, mi-seiche, créait surprise et émerveillement, pour susciter l’attention sur la question de la biodiversité de la mer Méditerranée et notamment, sur ses diverses atteintes : pollutions, urbanisation galopante,..,. Accueillant le visiteur, cet animal hybride impressionnant - son nom : “Wu zei” (??) (12)- occupait de ses 25 mètres d’envergure et de ses 8 tentacules tout l’espace.
L’espace « compréhension » se répartissait sur quatre « îlots » pour poser quatre des multiples problèmes de la biodiversité en Méditerranée. Par quelques objets exposés sobrement, chaque îlot soulevait une question spécifique et fournissait des éléments d’éclairage sur les enjeux et les réponses possibles.
Le visiteur pouvait compléter son approche de la question, s’il le souhaitait, par :

  • un audiovisuel illustrant un aspect sensible de la question traitée,
  • un commentaire très court d’un scientifique sur la question (13),
  • quelques cartels allant à l’essentiel ou permettant de situer chaque objet.

Ces quatre îlots étaient entourés par une vaste « farandole de la biodiversité », pour suggérer la multiplicité et la diversité des espèces. Elle était réalisée dans les anciennes vitrines du Musée, avec nombre d’animaux naturalisés ou en bocal appartenant à la Collection, non pas rangés par classe ou écosystèmes, mais de façon esthétique, pour accentuer cette diversité de formes et de modes de vie.
Enfin, un espace « engagement » valorisait les actions des différentes associations, entreprises ou institutions, y compris celles de l’Institut océanographique de Monaco, en faveur de la Méditerranée. Dans la même dynamique, il invitait chaque visiteur à s’engager lui-même par rapport à des prises de position qu’il peut faire à son niveau.
Ce choix muséologique était associé à d’autres approches en direction du public :

  • deux niveaux de lecture et
  • un site et un livre pour ceux qui veulent approfondir les questions en jeu. De plus, ces derniers le conseillaient sur les « gestes à faire », s’il est baigneur, pêcheur, caboteur ou simplement s’il souhaite manger du poisson (14).

D’autres tentatives d’innovations muséales ont encore été tentées et éprouvées. D’autres enseignements sont à tirer ; par exemple, pour l’exposition permanente du MUCEM, sur la diversité culturelle et l’unicité de l’espace Méditerranéen, les 4 espaces étaient découpés à l’origine ainsi : « interpeller, décoder, mettre en perspective » (15).
L’exposition Requins : Au delà du malentendu du Musée océanographique de Monaco dont le projet est de dédramatiser les requins comporte les espaces suivants :

  • « Se familiariser avec les requins,
  • mobiliser les sens des visiteurs et leurs émotions avant de faire appel à leur raison,
  • s’engager pour les préserver et… cohabiter » (16).

Pour familiariser avec les requins, un immense bac permet de toucher deux espèces, un étonnant aquarium virtuel fournit nombre de données sur leur physiologie et pour éviter de trop nombreux panneaux, les personnes qui veulent « en savoir plus » ont des QR à leur disposition.

Malgré ces multiples tentatives, le musée, l’exposition, le lieu de savoirs se prêtent encore difficilement aux innovations, accompagnées par un processus de conception et d’évaluation intégré. Les contraintes sont multiples, notamment pour des raisons de temps, de coûts et de multiplicité d’intervenants. Mais le principal obstacle n’est pas à ce niveau, les habitudes sont encore trop installées et les résistances s’avèrent nombreuses, notamment du côté des ordonnateurs – conservateurs, curateurs, commissaires, politiques… –. Toujours pas ou peu formés à l’écoute des publics, le plus souvent sensibles uniquement à leurs collègues ou maintenant à la seule recherche d’audience, leurs préoccupations demeurent ailleurs. Des formations spécifiques ont été mises au point pour ces destinataires (Giordan 2008), reste encore à les convaincre d’y participer…

Bibliographie

Davallon, Jean, Le musée est-il vraiment un média ?, Publics et Musées, Volume 2, Numéro 2, 1992, pp. 99-123
Davallon, Jean, « Réflexions sur la notion de médiation muséale », In L’Art contemporain et son exposition (1). 2002, Paris : Éd. de L’Harmattan, pp. 41-61
Giordan, André et Guichard, Jack et Françoise, Des idées pour apprendre, Delagrave, Nlle édition 2002
Giordan, André, Formations à l’écoute des publics et à la conception muséologique, Site LDES, université de Genève, 2008.
Klein, Yves, Exposition du vide, Galerie Iris Clert, Paris, 1958
Le Bon, L., Une rétrospective, exposition Centre Pompidou, Paris, 2009,
Lord, Barry (dir.). The manual of museum exhibitions. Californie, AltaMira Press, 2002, 544p.
Merleau-Ponty, Claire et Ezrati, Jean­Jacques, L’exposition, théorie et pratique. Paris, Éditions L’Harmattan, 2005, 204 p.
Schall Céline, Davallon Jean, Vilatte Jean-Christophe, « The museum, the guided tour and visitors seeking a leisure activity », in Proceedings of XIXth Congress of International association of empirical aesthetics, sous la direction d’Hana Gottesdiener & Jean-Christophe Vilatte, 29 août-1er sept 2006, université d’Avignon, 2006, pp. 65-69.
Viel, Annette et De Guise, Céline (dirs.). Muséo­Séduction / Muséo­réflexion. Québec, Musée de la civilisation, 1992, 197 p.

 

Notes:
1.En Sciences de l’Information et de la Communication, la muséologie a toujours été envisagée comme une « méta-discipline » qui questionne ou étudie l'institution muséale, le musée ou l’exposition.  Habituellement, elle « travaille » théoriquement –sauf quelques études de publics- l'ensemble des activités liées au champ muséal : la mise en valeur des objets, œuvres ou patrimoine, la gestion, la conservation et le classement des collections et la médiation, etc. En didactique ou en médiatique, le vocable « muséologie » est utilisé autrement. Il constitue les parties conception et accompagnement de la scénographie ; il recoupe à la fois des recherches sur les publics, les contenus et les contraintes, la conception épistémologique des espaces et du choix des objets ou des interfaces. Elle assure en sus le suivi de la réalisation jusqu’à l’étude de son impact en amont et en aval. On pourrait l’assimiler à une sorte de recherche-développement.

2.LDES = Laboratoire de Didactique et Epistémologie des Sciences de l’université de Genève.

3. QR (abréviation de Quick Response) est un graphisme qui peut être décodé rapidement après avoir été lu par un Smartphone dans une exposition. Son avantage est de pouvoir déclencher facilement des actions comme :

  • naviguer vers un site internet, visiter un site web
  • regarder une vidéo en ligne ou un contenu multimédia,
  • montrer un point géographique sur Google Maps ou Bing Maps ;
  • afficher un texte ou rédiger un texte libre (sa version actuelle permet d'inclure un texte d'environ 500 mots).

4. Elle est connue désormais sous le vocable de « processus de conception assistée par diagnostic/pronostic didactique.

5. Dans ce processus, le service médiation intervient également dans l’ensemble du processus. Il n’est plus introduit seulement à l’inauguration pour combler les déficits de compréhension du projet réalisé.

6. Le projet était piloté par les conservateurs du Musée coordonnés par l’équipe d’architectes Repérages (Adeline Rispal, Louis Tournoux). Ces derniers ont réalisé la scénographie, suivie par Louis Tournoux. Le concept et les innovations muséologiques ont été avancés par André Giordan, engagé comme consultant par Repérages, en interaction avec les scénographes.

7. Les bases de données numériques étaient alors à leurs balbutiements.

8. Apprendre est une activité dont la réalisation et les finalités dépendent du contexte historique, économique, social et culturel de la société dans laquelle elle s’exerce.

9.« Une mer au milieu des terres », comme son nom l’indique, la Méditerranée se présente comme un immense lac, creuset de cultures et berceau de la civilisation occidentale. Sa situation stratégique, ses côtes extrêmement découpées, son climat propice expliquent tout à la fois son importance dans l’histoire de l'humanité et sa place actuelle. Sa faune et sa flore sont également exceptionnelles.

10. Le maître d’ouvrage était le Musée océanographique lui-même, dirigé par Robert Calcagno et Nadia Ounaïs, le commissaire invité était André Giordan et le scénographe Renaud Piérard.

11. Véritable agitateur d’idées, Huang Yong Ping est connu sur le plan international. Son travail artistique consiste en une méditation sur le destin de notre société et de nos cultures globalisées. Mêlant avec profondeur les sagesses de l’Orient et de l’Occident, l’artiste reformule les mythes fondamentaux ; il alerte ainsi sur leur inquiétante actualité.

12.  “Wu zei” (??) est le nom chinois de la seiche. Mais l’idéogramme “Wu” (?) est aussi la couleur noire, tandis que “Zei” (?) contient l’idée de “gâter” ou de “corrompre”. En émerge une grandiose création artistique axée sur l’ambiguïté de sens, à mi-chemin entre encre marine et marée noire, entre corruption et renouveau…

13. La médiation-présence, par rapport à ces espaces, est également différente, on oublie les visites guidées, type cours magistral, pour aller vers des ateliers où les enfants ou les adultes puissent se confronter avec des lieux d’investigation et des moments de structuration, sans oublier des moments de mobilisation.

14. Un petit dépliant indiquait les poissons qu’on peut déguster sans problème et ceux qu’il est préférable d’éviter car en voie d’extinction.

15. La scénographie était assurée par le Studio Adeline Rispal, André Giordan étant consultant de l’agence.

16. André Giordan était consultant du maître d’ouvrage, le musée océanographique de Monaco ; la scénographie étant assurée par Renaud Piérard.