EDITO
Supposons
que Monsieur le président Nicolas Sarkozy fasse ce que Nicolas
Sarkosy, candidat, a dit ou écrit !
Bien sûr, on ne peut qu’être d’accord dans
son programme avec… « le point 10. Une école
qui garantit la réussite de tous les élèves
» . Du moins dans son libellé de titre ! Mais quand
est-il derrière ?...
Déjà comment l’argumente-t-il ? Son programme
répond-t-il aux besoins d'une institution en panne ? Y a-t-il
des éléments en rupture avec l'idéologie de
de Robien ? Quelques commentaires…
NS.- « Même si elle a de vraies qualités,
la situation générale de notre école n’est
plus acceptable. 20 % de nos jeunes quittent l’école
sans qualification, c’est-à-dire sans aucune perspective
professionnelle et un avenir personnel très limité.
Je ne peux m’y résoudre. »
Commentaires.- Tout à fait, c’est inadmissible…
mais il faudrait ajouter que les jeunes qui réussissent n’ont
pas forcément acquis non plus les savoirs importants pour
leur époque. Même ceux qui arrivent au bac restent
analphabètes sur de multiples points : l’économie,
le droit, l’urbanisme, le développement durable, la
santé… Ils n’ont pu s’approprier ni savoirs
transversaux, ni approche systémique ou pragmatique, deux
approches désormais indispensables. En outre, on les a dégoûté
pour la plupart de l’apprendre. Même le « savoir
entreprendre » -qui devrait ravir Nicolas Sarkozy- est aux
oubliettes…
NS.- « Qui peut croire que ce qui était possible
hier, apprendre à tous les enfants à lire, écrire,
compter, et leur donner un bagage culturel leur permettant de vivre
en hommes libres et en citoyens éclairés, ne l’est
plus aujourd’hui? »
Commentaires.- Le sempiternel : « ah ! c’était
mieux avant », totalement faux. Le nombre des jeunes qui quittaient
l’école sans qualification était beaucoup plus
grand au siècle dernier. A de nombreuses reprises, il a fait
l’éloge sans nuances de l’école de la
Troisième République à travers une version
hautement idéalisée : «elle était belle.
Elle était grande. Elle était noble. La France lui
doit beaucoup. (…) « ceux qui partaient sans rien, sans
héritage ni culture, l’école donnait la possibilité
de tout avoir. A ceux qui travaillaient dur, elle assurait la récompense
d’une vie meilleure. (...) De tout ce que la République
a entrepris, l’école était sans doute sa plus
belle réussite. Grâce à elle vivait l’égalité
des chances. Grâce à elle grandissait une Nation fraternelle,
construite sur des références et une culture communes.»
Ses conseillers n’ont sans doute pas eu la chance de faire
des études en histoire de l’éducation ; cette
école n’a fait que reproduire un système : permettre
une alphabétisation minimum pour les besoins de l’industrie
naissante, les promotions sociales furent et demeurent rares !
Une stratégie illusoire va en découler, elle était
déjà en usage chez de Robien : «revenons aux
anciennes méthodes»… Ses amis sont d’ailleurs
prêts à tirer sur ce qui est pour eux la cause de tous
les maux « le pédagogisme », un des héritages
de mai 68 « qui ne permet pas aux enfants d'apprendre ».
N’a-t-il pas d’ailleurs commencé à liquider
cette période qui pour lui et son équipe « a
fait perdre 20 ou 30 ans de repères entre les droits et les
devoirs ».
NS.- « Quant au sort fait à nos
enseignants, il est inadmissible : leurs rémunérations
sont trop basses, les plus jeunes et les moins expérimentés
sont envoyés devant les classes les plus difficiles, le respect
qui leur est dû n’est pas assuré, ni parfois
même leur sécurité. Il est possible de changer
l’école. Il faut d’abord que nos enseignants
exercent leur métier dans de bonnes conditions. Ils sont
la clé de la réussite de tous les élèves.
Je souhaite que leur autorité et leur liberté pédagogique
soient respectées, que leur formation initiale et continue
soit assurée, et qu’ils aient la possibilité
de travailler plus pour gagner plus.»
Commentaires.- Tout à fait… C’est
tout une culture de l’organisation de l’école
à revoir. C’est encore le recrutement, la formation
des enseignants et leurs implications qui restent impensés.
Pour mettre en place son école, Nicolas Sarkozy compte moins
sur les Administrations centrale ou régionales – qu’il
oublie de citer - que sur ceux qui vivent et font vivre l’école
au quotidien : directeurs, proviseurs, enseignants.
Malheureusement, tout ne peut être insufflé du haut
par un effet d’annonce. Bien au contraire… Cette difficulté
de mutation n'est pas l'apanage de l'école : toute institution
réagit de la sorte. Dans tout système humain, le fait
de légiférer ou de décréter un changement
immédiat et brutal est ressenti par ses éléments
ou ses membres comme un diktat. Tous le vivent comme une agression
et réagissent immédiatement en opposant toute l'énergie
de leurs résistances. Les mesures seraient-elles favorables
ou porteuses d'innovations qu'il en serait ainsi ! Un seul ministre
avait bien perçu cette dynamique négative : Edgar
Faure. «En décrétant le changement, disait-il,
l'immobilisme s'est mis en marche et je ne sais plus comment l'arrêter.»
C'était lors de la mise en place de sa réforme de
l'Education nationale... en 1968 !
NS.- « Il faut ensuite que nous nous fixions le seul objectif
acceptable : que tous les enfants sortent de l’école
avec le bagage nécessaire pour réussir leur vie adulte.
Dès qu’un enfant décroche, il devra recevoir
un soutien individualisé. »
Commentaires.- S’il suffisait de le dire ! La
société française ne s’est pas encore
donnée les moyens de discuter « ce bagage nécessaire
pour réussir » non pas seulement professionnellement
mais une « vie adulte ».
C’est un vrai enjeu pour l’époque ; les savoirs
importants ne sont pas à l’école. La Commission
Thélot n’y est pas parvenue ; il y a beaucoup de corporatismes
à dépasser pour les définir et les y inclure.
Je ne vois pas qui dans son équipe pourra s’atteler
à une telle tâche…
NS.- « Je créerai des études dirigées
dans tous les établissements pour que les enfants dont les
parents le souhaitent puissent faire leurs devoirs à l’école
avec l’aide d’une personne compétente. Je ferai
en sorte que l’école consacre plus de temps au sport
et à la culture parce que je les crois essentiels à
l’épanouissement des enfants et à la force de
la société. L’école d’une grande
nation doit faire lire de grands textes. »
Commentaires.- Autre lieu commun des courants conservateurs
de la droite classique : les « grands textes ». Bien
sûr, il faut faire lire, et surtout apprécier, les
grands textes de notre littérature. Mais plus facile à
dire qu’à faire sur le terrain…
Les jeunes, tels que TF1 ou M6 les conditionnent n’y accèdent
pas immédiatement. On peut y réussir – ce que
nous faisons dans nos recherches- si on introduit chez le jeune
un autre regard. De multiples détours s’avèrent
nécessaires. Ce qui implique de penser les approches ou les
situations pédagogiques totalement autrement.
NS.- « Enfin, tout en conservant le caractère national
des programmes et des diplômes, je veux mettre plus de diversité
dans l’école pour que l’intelligence de chaque
enfant soit reconnue. »
Commentaires.- Oui, tous les élèves n’apprennent
pas de la même façon et surtout pas de la façon
dont l’enseignant a appris ! Mais pourquoi ce lien surprenant
entre « caractère national des programmes et des diplômes
» et reconnaissance de « l’intelligence de chaque
enfant ».
Je crains que cela ne masque un profond mépris pour ces questions,
mépris que l’on retrouve dans d’autres discours
de campagne quand Nicolas Sarkozy dénonce le « nivellement
par le bas », le « collège unique » ou
encore… l’obscénité.
NS.- « Je donnerai plus d’autonomie aux établissements
pour leur permettre de développer leur projet pédagogique
spécifique et je donnerai aux familles la possibilité
de choisir l’école de leurs enfants. Je remplacerai
la carte scolaire par une obligation de mixité sociale, géographique
et scolaire des effectifs, qui pèsera sur les établissements.»
Commentaires.- Comme si l’autonomie pouvait se donner ! Comme
si la mixité sociale pouvait se régenter par décret…
On a affaire ici à de simples slogans, avec liberté
de l’enseignement et primauté des familles pour plaire
à un certain électorat. Certes il s’agit de
dénoncer «les faux-semblants, les mensonges, la pensée
unique, l'hypocrisie » de l'Education nationale. Mais la qualifier
« d’idéologie folle » est scandaleux ;
cette institution ne joue que le rôle qu’on lui a assignée
depuis l’origine, et que la gauche n’a pas encore saisi.
Historiquement, on a imposé à l’école
une priorité : « l’autorité», en
tant que dessein social ; d’où sans doute l’attachement
de Nicolas Sarkozy à l’école de Jules Ferry.
Aujourd’hui, le projet qu’on continue à lui faire
jouer est autre, quoique tout aussi pervers : la sélection
par l’échec. Car les propositions avancées par
le candidat Sarkozy restent réductrices : « la compétition
» et le « mérite ». L’école
a pour l’ancien leader de l’UMP, une responsabilité
politique et sociale, celle de promouvoir la «méritocratie».
Tout est beaucoup plus complexe… On verra la multiplication
des petits cours; comme au Japon, bientôt on n’ira plus
à l’école que pour être sélectionné…
De plus, comment l’école pourrait-elle «renouer
avec son devoir de réussite» ? La réussite n’a
jamais été que pour quelques uns, le plus souvent
ceux qui justement apprennent en dehors d’elle. L’apprendre
à apprendre n’est d’ailleurs toujours pas prévu
dans le futur programme du président… Les autres vont
continuer à être exclus, avec toutes les graves conséquences
sociales que constitue la perte d’estime de soi.
Certes, nous ne nions pas qu’il faut du « travail »,
mais cela n’est pas incompatible avec le plaisir. Pourquoi
toujours cette pensée binaire alors que les deux sont indispensables
et complémentaires ? Certes, il faut plus de « liberté
pédagogique pour les enseignants » et « l'évaluation
des résultats », mais dans le cadre d’équipes
pédagogiques, d’un accompagnement de celles-ci par
une hiérarchie compétente et stimulante et d’une
mutualisation des résultats lors de formation.
Or l’école du nouveau président n’aura
toujours pas d’histoire. « Diviser par deux immédiatement»
les effectifs des établissements scolaires les plus dégradés
« en répartissant les élèves en surnombre
dans les établissements avoisinants » ne va rien changer.
L’expérience a déjà été
tentée moult fois sans succès. Il est des moments
où il faut prendre un élève en difficulté
les yeux dans les yeux… mais sans le stigmatiser en le sortant
de la classe ou en l’envoyant voir un psychologue. D’autres
où les élèves doivent travailler par groupe,
en atelier, faire des projets, des défis, d’autres
encore où l’enseignant doit être à disposition
ou au contraire metteur en scène, etc.. Ce n'est pas quand
les profs enseignent que les élèves apprennent. Le
netable avec l’accès à des bases de données,
le CDI, les échanges de savoirs, l’autodidaxie et le
projet de l’élève, etc… devraient entrer
à l’école.
Dès lors, si l’on souhaite garder des ambitions pour
l’école –n’oublions pas que le home schooling
est pratiqué par plus d’un million de familles aux
USA-, il s’agit de sortir de plusieurs tabous. Les plus paralysants,
y compris dans le primaire, sont justement le découpage systématique
par classe d’une part, par tranche horaire disciplinaire d’autre
part. Rien de plus frustrant pour apprendre, de plus démotivant
de surcroît : ces pratiques enlèvent le goût
d’apprendre et d’entreprendre, elles favorisent la consommation
de savoirs plaqués.
L’école ne s’en sortira pas par des réformettes.
Un niveau d’exigence d’une toute autre portée
est nécessaire. L’école a surtout besoin d’inventions,
de recherches –Oui ! de recherches- et d’innovations,
nombre d’entre elles sont connues, repérées.
Elles ne demandent qu’à être partagées
dans des formations adéquates.
Faute d’avoir su s’adapter progressivement, l’école
est complètement décalée. Elle nécessite
un bouleversement radical. Nicolas Sarkozy croit que « Tout
est possible » à travers chaque fois un petit truc,
insufflé à marche forcée et d’en haut
! La transformation de l’école est une action sur la
durée, en prise directe avec l’évolution de
la société qui passe par un changement en profondeur
de sa culture. Les enseignants ne sont pas le facteur limitant !
Ils le sont quand ils ne savent pas où ils vont, parce qu’on
les infantilise, si on les met une fois de plus devant des réformes
non pensées, pas préparées. S’ils se
sentent considérés et s’ils pensent servir à
quelque chose, ils ne regarderont pas leur montre !
D’ailleurs, l’école est remplie d’intelligences
à la base qui n’attendent qu’à s’exprimer.
Déjà faudrait-il commencer par les reconnaître….
En parallèle, l'école a besoin surtout d’entrer
en débat en dehors des idéologies qui l’utilisent.
André Giordan
Pour avancer sur la transformation de l’école :
A. Giordan. Une autre école pour nos enfants, Delagrave
(2002)
Sous la direction de : Armen Tarpinian, Laurence Baranski, Georges
Hervé, Bruno Mattéi, Ecole : changer de cap...
Chroniques sociales (2007)
Beaucoup de chantiers sont à
mettre en place à la base si l’on ne veut pas que l’école
ne disparaisse… à la manière du Mur de Berlin
durant la décennie qui vient.
Nous publions ainsi ce mail à nouveau… Espérons
cette fois que la prise de conscience sera plus forte. Peut être
dans le même temps dépasserons-nous quelques illusions
! Celle de croire qu’avant c’était mieux. Celle
de croire qu’un ministre pourra tout faire depuis son bureau
par de simples directives. Celle de croire qu’il suffit de
prôner le changement pour le changement pour que… rien
ne change.
lundi
7 Janvier 2001
Sujet : L’école
Monsieur
le Ministre,
Vous rêvez sûrement de laisser votre nom à une
réforme de l’école. N'en faites rien... Le système
éducatif est actuellement bloqué. Quoique vous fassiez,
même la plus généreuse des réformes,
dotée des plus grands moyens, n’a aucune chance de
succès. Vous lanceriez des écoles expérimentales
ou des lycées pilote, ils deviendraient des ghettos. Vous
développeriez les projets d'établissement, ils s’enliseraient
dans des procédures administratives. Les résistances
à une évolution de l'école sont nombreuses
: manque de souplesse dans la gestion, pression des administrations
locales sur la politique des établissements, infantilisation
des enseignants, absence d'évaluation sérieuse, corporatismes
de toutes sortes, etc. Et puis vos collègues, les ministres
qui vous ont précédés vous ont savonné
la planche. Ils ont fourvoyé les enseignants ; ils les ont
découragés par autant de projets bâclés
et inachevés. Mal préparés, peu accompagnés,
non testés, ces derniers ne pouvaient pas aboutir.
Vive la “Charte pour l’école du XXEME siècle
!”... Qui en parle encore ? Certains enseignants ont cru aux
réformes précédentes, ils ont été
trompés ; après trente ans de remaniements incessants
et inutiles, ils ont compris. Ils savent que tous les changements
promis ne sont que des effets d'annonce pour ministre en manque
de publicité.
Mais l’évolution de l’école n’est
pas seulement affaire de boutique. Il vous faudra convaincre les
parents, leur faire partager les enjeux véritables de l’école,
les convaincre qu’elle doit être différente.
Croyez-vous vraiment que les petites phrases du genre "favoriser
l'accès des élèves à la culture et la
réussite" ou "assurer la réussite de tous
les élèves, l'autonomie, l'esprit d'initiative et
de responsabilité", soient crédibles ? Vous pouvez
y ajouter du lyrisme : “De notre éducation nationale,
je souhaite de même faire une école de l’excellence
pour chacun. L’égalité des chances et l’exigence
intellectuelle marchent, en effet, d’un même pas. Chaque
citoyen doit, en effet, accéder au meilleur de la culture
et du savoir”. Serez-vous seulement entendu ! Vos conseillers
vous coupent-ils donc autant de la réalité ?
L'école n'a pas besoin d'une réformette, elle doit
se transformer de fond en comble. Il ne suffit pas de changer quelques
points, il s’agit de revoir son organisation et son statut
dans la société. Ce n’est plus de remaniements
partiels ou de réorientations de détail qu’il
s’agit, l’institution demande à être repensée
dans son ensemble... Faute d’avoir su s’adapter progressivement,
elle est complètement décalée. Elle nécessite
un bouleversement radical. Ce qui ne veut pas dire que celui-ci
doive se faire à marche forcée et d’en haut
! La transformation de l’école est une action sur la
durée car elle est en prise directe avec l’évolution
de la société.
Toutefois, rien ne pourra se faire directement depuis vos bureaux.
Vous réuniriez les experts les plus patentés ? D'abord
il vous faudrait les repérer, votre ministère n’a
pas de service de veille pédagogique ! Vous regrouperez toujours
les quelques mêmes, ceux qui ont le temps de traîner
dans les allées du pouvoir parce qu’ils ne sont plus
dans la réalité du terrain. Dès lors, ils manqueront
d'idées et ne seront pas à l’abri des corporatismes
de toutes sortes qui trouvent dans l’école un moyen
d’exister ou de s’exprimer. D’où l’enflure
des programmes, à commencer par ceux de l’école
primaire !
Enfin, l'école ne peut se changer par décret, les
oukases n'ont aucune chance en démocratie. Est-ce à
dire qu’un ministre de l’Éducation ne soit plus
d’aucune utilité ? Nous n’irons pas jusque là
! Mais si vous continuez dans la lignée de vos prédécesseurs,
le pire est à craindre. En revanche, votre fonction redevient
essentielle si vous vous engagez à dynamiser le système.
Dans toute organisation complexe, le “manager” ne peut
plus diriger tout seul, sans écoute du terrain. Ce que vous
pouvez faire au mieux, et avec vous votre hiérarchie intermédiaire
– voilà où il vous faut “dégraisser”
–, c’est écouter, encourager et accompagner les
évolutions à la base... Pourquoi ne vous appuieriez-vous
pas plus sur vos troupes ? Les enseignants, ce sont eux les vrais
professionnels de l’école, ce sont eux qui sont en
contact avec la réalité. Ils sont de bonne volonté,
prêts à se dépasser, ils demandent seulement
à être reconnus.
Les enseignants ne sont pas un facteur limitant ! Ils le sont quand
ils ne savent pas où ils vont, parce qu’on les infantilise,
parce qu’ils sont insuffisamment formés aux nouvelles
réalités. S’ils se sentent considérés
et s’ils pensent servir à quelque chose, ils ne regarderont
pas leur montre ! D’ailleurs, ils ont plein d’idées
à la base, l’école est remplie d’intelligences
qui n’attendent qu’à s’exprimer.
L'école a besoin surtout de lieux de confrontation où
l’on mette à plat les problèmes et où
l’on invente de nouvelles approches, en interne au sein des
établissements, mais aussi aux plans académique et
national. Les innovations en cours ne sont pas recensées,
elles ne sont pas évaluées, pas mutualisées.
Nombre d’enseignants partent à la retraite, sans que
leur savoir-faire ne soit engrangé. L’école
n’a pas d’histoire, on recommence perpétuellement
à réinventer la roue. La démocratisation suppose
plus d'échanges entre les types d'établissements pour
que cette diversité soit source de plus de réussite
et d'efficacité. Les établissements professionnels
sont d’ailleurs plus souvent des laboratoires pour l’innovation
: pourquoi ne les valorisez-vous pas plus ? Il vous faut créer
les conditions d’un changement. Tout n’est pas affaire
de budget, l’argent compte mais ce n‘est pas tout, vous
pouvez favoriser une culture du changement. Arrêtez d’infantiliser
les enseignants par un recrutement et une notation dépassés.
Formez-les et informez-les en permanence : compétences et
transparence sont les marques des organisations de demain. Responsabilisez-les
en promouvant la qualité, mais la qualité des résultats,
des compétences acquises par les élèves, et
non pas celle des directives et des programmes à exécuter...
Bien sûr, il vous faut affronter la question inévitable
des programmes – et, pour commencer, la question des champs
disciplinaires – qui sont également à revoir
totalement, tant ils sont décalés par rapport à
ce que sont les élèves et aux savoirs à maîtriser.
Par ailleurs, les savoirs importants ne sont pas seulement dans
les disciplines, des regards croisés ou transversaux sont
à introduire, tout comme des regards sur les savoirs ou le
vivre ensemble. Autant de débats qui doivent émerger
à tous les niveaux. Il s'agit de ne pas être frileux,
de donner une large marge de manœuvre aux enseignants et aux
établissements en fonction de projets.
Jamais la réflexion sur l’école n’a été
aussi pauvre. Elle ne peut aborder le XXIe siècle en fonctionnant
sur des principes qui sont ceux du XIXe ! Placer le débat
de l’école au niveau de la Nation semble s’imposer
! L’école doit se trouver au cœur de la réflexion
sur notre monde en mutation, afin d’y assumer pleinement son
rôle.
Avec mes salutations respectueuses.
André Giordan
Pour lire
les mails aux enseignants, aux parents et aux élèves…
Pour en discuter plus longuement…
Une autre école pour nos enfants, A. Giordan.
Delagrave (2002)
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