Nice

 

Se passionner sur l’histoire d’un lieu, partager sa culture, repérer ses façons de vivre, ses particularités, ses originalités, les comparer, tout cela renvoie à une appartenance.
Né à Nice, issu d’une famille niçoise, travaillant à Genève, un pays à l’identité forte, cependant très différente, voyageant dans de multiples pays pour des conférences, des séminaires et des colloques, je me rattache à mes origines, « l’identité niçoise ».
J’aime la rechercher, la faire « émerger » -comme il est dit de nos jours !- dans ses recoins cachés. Nice n’a pas de tradition très installée pour conserver sa culture ; de véritables trésors patrimoniaux restent inexploités. Cette « belle » ville entourée par son « Comté » laisse se dégrader ou à l’abandon des merveilles de la Nature.
Le Vallon Obscur ou le Puit aux Etoiles vous disent-ils quelque chose ? Avez-vous visité la Pyramide de Falicon ou les Grottes de Saint André ? Ils étaient tous des lieux de visite recherchés par l’Aristocratie en séjour à la fin du XIXème siècle.
Certains habitants du coin confondent culture et folklore ! Ce qu’on appelle « niçois » n’est souvent qu’une simple mode de la fin du XIXème, alors que les lieux regorgent d’histoire, d’art et d’expression. Le Baroque est flamboyant dans les églises de la région. Dans ses rues, il y règne une atmosphère de culture et d’esthétisme ; il suffit de lever les yeux.

La cité a toujours été en perpétuelle effervescence. Elle abrite même quelques grands érudits, mais ils sont peu entendus dans le bruit ambiant des bling-blings locaux…
A l’extérieur, Nice a trop souvent une image de « vieux », de façades, de farniente, de facile où se mêlent… mafia et fric. Or Nice n’est pas (que) cela ! Le tourisme de masse a contribué à privilégier cette image au détriment de l'âme d’une culture, issue d’apports multiples et différents : ligure, grec, latin, baroque, montagnard, méditerranéen et pieds-noirs.

Nice a un passé complexe et prestigieux qui se lit encore dans ses paysages. N’oublions pas qu’il y un peu plus de cent ans, Nice était capitale de Grande Bretagne, de Russie, de Belgique et du Monténégro réunis ; leurs souverains y séjournaient l’hiver.
Depuis, Nice est resté un pôle créatif sur le plan de l’art avec ses artistes qui venaient y trouver l’inspiration, ensuite son Ecole de Nice et sa Villa Arson. La littérature n’est pas en reste avec nombre d’écrivains de J.M.G. Le Clézio et M. Butor à M. Gallo. Le salon du Livre ne fut-il pas créé à Nice...
Sait-on également que nombre d’avancées scientifiques ou technologiques sont nées dans cette ville ou de niçois. Les mathématiques, l’astronomie lui doivent beaucoup, et de manière générale, les sciences et de sa culture. On pourrait aussi citer l’éducation, l’épistémologie, la mode, et surtout les nouvelles technologies de la communication. Nombre d’algorithmes de la high-tech furent conçus dans la région. Etc..
Toutefois, « identité niçoise » – du moins pour moi - ne veut pas dire fermeture ! L’appartenance fournit des repères, elle permet de tirer parti d’un passé. Elle n’est jamais rigide, c’est encore y rechercher un regard pour inventer le futur. D’ailleurs, l’identité n’a de sens que conjuguée de façon antagoniste à l’ouverture, c’est-à-dire à l’accueil des autres.
A mes yeux, il est bien ridicule de proclamer « Sieu de Nissa, basta !.. ». Notre conception d’être « niçois » n’a aucun relent de communautarisme. Au quotidien, elle n’est pas lamentation, elle ne cherche pas à défendre une minorité de fait. Aucun droit particulier n’est revendiqué, je suis même contre le privilège de la poutine qui détruit nos fonds marins…
L’identité niçoise pour moi, c’est prendre appui pour aller à la quête de l’inconnu. La culture niçoise est faite d’apports inattendus qui viennent parfois de très loin, à commencer par la tomate ou le basilic, l’Eglise du Gésu ou celle de Russie, Matisse, Niki de Saint Phalle ou encore Ben, le grand défenseur du Sud.
De plus, cette identité niçoise que nous tentons de promouvoir ne ressort pas de quelques musées. Pour nous, il faut la maintenir pour ce qu’elle est : vivante. Même si moins de mille personnes parlent encore la langue au quotidien, rien n’est perdu. Pas question de conserver notre belle cité figée ou encore à la fermer sur elle-même comme le rêvent nombre de ses politiques. Bien au contraire… Nous cherchons à faire connaître notre identité, certes pour la défendre, mais surtout pour… l’enrichir dans la rencontre. L’identité devient alors plutôt une offre: le désir de partager ce qui nous tient à cœur…

C’est ainsi que nous avons commencé avec quelques amis à concevoir des évènements et la Collection « E viva ! ». « Pour que vive !», se renforce et se partage l’identité niçoise ! Depuis, nous la déclinons sur plusieurs plans.

En premier, citons celui de la cuisine avec E viva la coïna nissarda ! (Et vive la cuisine niçoise !). Plus qu’un livre de recettes, ce livre est un corpus d’idées inventées avec José Maria, un autre « vrai » niçois. La nourriture n’est-ce pas ce qui nous constitue ? « Nous sommes ce que nous mangeons. » Le projet de faire connaître notre art de vivre ; et pour qu’il se fonde dans un monde en changement, nous n’avons pas hésité à innover, à rénover la tradition culinaire. Disons tout net, il ne s'agit pas d'une « Nouvelle Cuisine Niçoise » ou de faire du « nouveau pour du nouveau », en mettant de l'ananas avec des anchois, de la crème Chantilly sur la socca. Les propositions avancées remettent au goût du jour des habitudes, des mets, des produits oubliés, ou bien s'appuient sur la cuisine traditionnelle pour promouvoir des pratiques originales, plus diététiques, plus écologiques.
C'est également un livre pour donner envie d'essayer par soi-même.

Ensuite, comment faire prendre conscience aux niçois et aux amoureux de Nice des « beautés » dont le Comté est doté.
Il n’y a pas que la Vallée des Merveilles, le Cours Saleya ou la Promenade des Anglais à visiter et à protéger. Il reste un grand patrimoine environnemental, architectural et artistique méconnu.
Notre roche de Solutrée par exemple est Duranus avec les ruines de Roccasparviera. Nous y organisons avec une amie d’enfance une ballade annuelle de tradition. Dans ce lieu remarquable, des formations à la complexité pour les entreprises sont également proposées, au travers d’une « ballade ».
Pour Nice et ses environs, un premier livre est déjà paru, il se nomme « Nice à la belle Epoque ». Il repose sur la magnifique collection de cartes postales de José Maria. L’idée est de faire visiter ces lieux tels qu’ils étaient, il y a 100 ans. Nombre d’entre eux ont été détruits ou défigurés. Il nous fallait sensibiliser à ce qui reste, en prendre conscience pour éviter de continuer de saccager, voire à réhabiliter.

Par ailleurs, avec Alain Bianchéri, nous avons revisité l’Ecole de Nice qui a révolutionné l’Art contemporain dans les années 60/80. Au mieux, elle est reconnue de façon anecdotique, à l’exception de quelques artistes qui ont dû s’expatrier comme Arman, César, Klein et aujourd’hui Venet. Qui a entendu parler sur le plan international de Jean Mas, Serge III, Chubac, Champaillier et bien d’autres ?..
Cette interpellation de notre époque par l’art continue à Nice, et notre projet actuel avec Alain Bianchéri et Rébecca François est de travailler sur les jeunes artistes niçois.
Toujours dans le domaine culturel, Nice a bien d’autres trésors : le Baroque flamboyant de ses églises.

N’oublions pas les sciences à Nice ! L’Observatoire, construit par Garnier et Eiffel mérite d’être valorisé. Nous, nous travaillons à faire apprécier les chercheurs niçois des siècles passés comme Cassini, Barla, Risso, Binet ou venus dans la région comme Thuret, mais également des apports récents de l’université avec les travaux remarquables en physiologie (Maetz, Motais, Lalhou et plusieurs autres).

Par dessus tout, ce qui nous préoccupe de partager est la culture vivante populaire. Elle est le moteur de la citoyenneté – et Nice en toujours en manque – ou simplement du « vivre ensemble ». Notre action de départ a été de relancer le pilou avec quelques amis, dont Alain Amiel, Richard Lazzari, Jean Mas et… Ben. Aujourd’hui, nous continuons à le diffuser sur toute la planète. On n’est jamais trop ambitieux ! Un livre réalisé à multiples voix sert de support : Et Vive le Pilou, édité par Z’Editions, et aujourd’hui réédité.
Nous poursuivons aussi les initiations pour les touristes sur la Promenade des Anglais chaque été le vendredi soir, le tournoi de la Saint Barthélemy dans le Vieux-Nice et la participation à de nombreuses manifestations dans le cadre de l’Association Nissa Pilo. Pour lui donner ses lettres de noblesse, nous avons même remis un pilou avec une documentation abondante au Musée Olympique de Lausanne qui l’a inclus dans ses Collections.
Au travers de ce sport, ce qui nous importe est la rencontre, la convivialité. Nos présentations de la Prom’ se prolongent toujours par un grand Pan Bagnat. S’y rencontrent des personnes et des personnalités d’horizon totalement différents ! L’occasion de faire goûter différentes spécialités culinaires, mais surtout d’échanger sur Nice et son avenir.