EDITO
« Notre
école primaire », peut-on lire dès
l'introduction du récent rapport du Haut Conseil
de l’Education sur l’Ecole primaire «se
porte moins bien que l'opinion publique ne l'a cru longtemps.
En particulier, elle ne parvient pas, malgré
la conscience professionnelle de son corps enseignant,
à réduire des difficultés pourtant
repérées très tôt chez certains
élèves et qui s'aggraveront tout au long
de leur parcours scolaire ». Cela est largement
exact, et nous l’avons dénoncé à
de nombreuses reprises, et il était important
que cela soit porté à la connaissance
d’un large public.
Toutefois, il est deux aspects que ce rapport oublie
de prendre en compte : la perte de désir d’apprendre
au cours de la scolarité et le fait que l’apprendre
n’est toujours pas au programme à l’école
primaire... Pourtant tous deux constituent de plus graves
lacunes que les difficultés pointées par
ce rapport. Elles sont rédhibitoires pour la
suite de la scolarité… et pas seulement.
Et sur ces plans comme sur les autres, pas question
de dire « haro sur les enseignants » ! Les
dysfonctionnements proviennent d’ailleurs, de
la façon dont le système éducatif
est pensé, organisé et administré.
Le bon sens ferait penser que l’école a
été créée dans le but de
donner le goût, du moins pour le savoir, en tout
cas pour les études. Elle devrait propager sinon
l’amour de la connaissance, au moins la curiosité,
l’envie de comprendre et le désir d’apprendre.
Pourtant que constate-t-on au cours de la scolarité
? Tout le contraire : une perte de l'appétence
pour apprendre, une diminution de la motivation, du
moins chez la grande majorité des élèves.
Les enfants arrivent à l’école maternelle
avec une foule de questions sur le monde, la vie ou
eux. Progressivement ce questionnement disparaît,
ou du moins se trouve enfoui…
Et pour ceux qui réussissent, c’est-à-dire
qui jouent le jeu de l’école, une fausse
idée de l’apprendre se met en place dans
leur tête. L’école les formate à
devenir de gentils consommateurs de savoir. Apprendre
devient pour eux écouter un maître parler.
On apprend ses leçons parce qu’on y est
obligé, on fait les exercices demandés.
Comment favoriser désir en enfermant les enfants
de longues heures dans une classe bien close et en leur
faisant ingurgiter de supposés « fondamentaux
» disciplinaires, à coups d’activités
désincarnées ? Les élèves
attendent que cela se passe… Plus de passion,
plus le moindre intérêt. Ils attendent
la succession des cours, ils attendent même qu’on
leur dicte ce qu’ils doivent retenir. Le plaisir
de lire disparaît, la joie d’écrire
n’en parlons pas, l’envie de découvrir
par soi-même, aux « abonnés absents
». Les enfants se limitent au pensum scolaire…
Rarement ils cherchent à creuser une question
par eux-mêmes, à aller à la bibliothèque
par appétit ou à regarder leurs livres
de classe pour comprendre. Avec régularité,
ils se détournent des sciences, de l’histoire,
de la poésie, etc.
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ACTUALITE
L’éducation,
l’oubliée du Grenelle de l’environnement…
Le
Grenelle de l’environnement a suscité quelques
espoirs pour faire bouger, et le domaine, et les lignes…
en France. Le challenge n’était pas mince,
il s’agissait tout à la fois de changer la
vision du monde, la façon de le gérer et nombres
d’habitudes au quotidien. Sans éducation, à
commencer pour les très jeunes enfants, comment y
parvenir ? De même sans un optimum de culture en la
matière, comment faire passer un tel message complexe,
y compris pour les adultes, y compris pour les spécialistes.
On réinvente la roue ou l’eau tiède
en permanence en la matière !
L'écotaxe sur les sacs poubelle proposée par
l’une des Commission de ce Grenelle par exemple a
déjà été essayée, y compris
sur des milieux plus favorables. En Suisse, pays particulièrement
discipliné, elle a été un désastre
au début... Pour ne pas à avoir à payer
la taxe, les personnes se sont mises à jeter n'importe
où : il en ait résulté une inflation
des décharges sauvages. D’autres, comme il
existe beaucoup de maisons individuelles dans ce pays, se
sont mises à brûler les emballages dans les
cheminées, avec une augmentation des fumées
pathogènes. Les cheminées individuelles n’ont
pas les filtres adéquats que possèdent les
cheminées des usines d’incinération..
L’éducation au développement durable
(EDD) à l’école, mais de manière
plus large pour tous les citoyens, est une nécessité
pour principalement transformer des comportements, changer
leur regard sur l’environnement et surtout aller au
delà des apparences. Elle vise à fournir le
désir et les possibilités de participer à
la pose et à la résolution des problèmes,
à l’émergence de solutions alternatives
et à penser le changement. Oui ! penser le changement,
car rien n’est plus délicat en la matière…
Rarement, il peut se décréter.
Sur ce plan, tout le monde est d’accord : il faut
développer largement l’EDD, et cela depuis
la conférence de Tbilissi organisée par l’UNESCO
en… 1977. Le nouveau Président adhère
également à cette idée ; en réponse
à une lettre du CFEEDD (collectif français
pour l’éducation à l’environnement
vers un développement durable (www.cfeedd.org), il
écrivait même : "L’éducation
à l’environnement est, en effet, un enjeu fondamental
que les associations comme les experts souhaitent inscrire
au coeur de la thématique "Gouvernance".
Comme vous le savez, j’ai chargé Monsieur Jean-Louis
Borloo, Ministre d’Etat, Ministre de l’écologie,
du développement et de l’Aménagement
durables, de préparer un "Grenelle de l’Environnement"
et naturellement, votre collectif sera associé aux
débats concernant l’éducation à
l’environnement."
Pourtant les discussions sur ce thème n’ont
pas été possibles lors de la préparation
du Grenelle : ni les acteurs de terrain, ni les spécialistes
du domaine n’ont d’ailleurs été
invités. Leurs écrits spontanés n’ont
même pas été débattus ! Or l’EDD
fait débat à nombre d’égards
; s’il y a bien consensus sur le principe, sa mise
en place n’est pas immédiate. Nombre d’opérations
originales ont certes été développées,
mais peu ont été évaluées, rares
ont été les mutualisations. L’EDD ne
fait pas encore d’Histoire ; ; il faudrait bien un
jour en parler entre toutes les parties prenantes. C’est
une illusion, trop souvent présente, de croire qu’il
suffit de dire ou de montrer pour que le savoir «
passe ». Et nombre de méthodes supposées
actives ne donnent pas les résultats attendus.
Les enquêtes que notre Laboratoire a réalisées
montrent que l’implantation de l’EDD (Education
à l’environnement compris) dans le système
éducatif formel s'avère encore très
faible. Au mieux, de 5% à 10 % des élèves
en France ont été “sensibilisés”
par une première approche. En outre, l’impact
qualitatif -en termes d’acquisition de méthodes
et de concepts- reste très limité. Il ne suffit
pas d’avoir dans sa classe une période et de
l’utiliser pour l’environnement pour faire apprendre
efficacement. Les jeunes disent fréquemment : «
les cours EE ou EDD sont ennuyeux... ». « Nombre
d’heures sont difficiles, souvent “imbuvables”…
» « au début on aime bien cela, rapidement
cela devient aussi fastidieux qu’un cours d’anglais
» !.. De fait, les élèves ne s’approprient
pas les questions d’environnement de façon
opératoire, ils « ingurgitent (au mieux) des
formules magiques » présentées comme
des « vérités formulées »
par d’autres. Il s’agit souvent de stéréotypes
ou mots creux : « pollutions », « perte
de biodiversité », « charge environnementale
», « effets de serre », inopérants
dans la pratique.
L’acquisition de démarches de pensée
spécifiques, comme la démarche systémique,
la pragmatique ou la modélisation restent des plus
balbutiantes. La maîtrise des concepts principaux
(aménagement, ressources, et même développement
durable, etc.) n’est pas assurée. Cet apprentissage
donne « bonne conscience » ; il conduit le plus
souvent à la lamentation plutôt qu’à
l’action.
Par ailleurs, sous le vocable d’EE ou d’EDD,
le système scolaire continue à traiter des
thèmes classiques, à pratiquer une «
pédagogie du milieu » sur des lieux privilégiés,
à composantes géographique, historique ou
naturaliste. Peu de propositions portent sur l’environnement
urbain ; les composantes économiques en termes de
production et de consommation sont la plupart du temps oubliées.
Les valeurs et les paradigmes qui sous-tendent les actions
sont rarement interrogés. Or ce n’est pas les
médias qui se cantonnent sur le sensationnel, l’évènementiel
ou l’anecdotique qui peuvent faire changer les «
choses » !
Enfin, les cursus universitaires habituels -à l’exception
des parcours spécialisés - n’ont pas
de sensibilisation dans leur programme. Quant à la
formation des adultes, elle reste très restreinte:
on peut répertorier quelques apports auprès
des professions liées à l’environnement,
des administratifs des collectivités locales ou des
politiques. La grande majorité des ingénieurs
ou des techniciens ne reçoivent même pas une
simple initiation dans leur formation initiale.
Où sont les obstacles dans les pratiques d’éducation
et de médiation en place ? Comment les dépasser
? Que mettre en place ? Comment faire évoluer les
structures et les programmes habituels ? Comment repenser
la formation des enseignants et des animateurs pour introduire
les dimensions de l’EDD ? Quelles nouvelles recherches
peuvent éclairer ces directions ? Ces quelques questions
« vives » auraient mérité amplement
leur place dans ce Grenelle....
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