Développer une démarche scientifique

André Giordan

 

Extrait de A. Giordan, Une didactique pour les sciences expérimentales, Belin, 1999

Travailler sur les conceptions ne doit pas faire oublier que l'objet premier d'une éducation scientifique, notamment chez les plus jeunes, est de permettre l’acquisition d’une démarche de recherche et de développer une certaine attitude face au monde qui nous entoure.
Ces problèmes sont même à l’ordre du jour, puisque les nouveaux programmes nous demandent de les prendre en compte.
Face à cela, l'enseignant pense souvent qu’il s’agit simplement de faire effectuer quelques observations ou de mettre en place une démarche dite “expérimentale”. Il fait observer un phénomène, puis demande d’émettre une hypothèse qui sera immédiatement “vérifiée” par une expérience (le plus souvent une seule). Tout se passe suivant un certain  “rituel”, que nous avions nommé OHERIC tellement il est stéréotypé quand il est mis en œuvre dans les classes ou dans les animations.

Malheureusement, une telle approche est un peu frustre pour faire entrer les élèves dans une véritable démarche expérimentale : elle rigidifie le cheminement des apprenants sans leur permettre de comprendre ce qu’ils font.
D’ailleurs les scientifiques eux-mêmes ne procèdent jamais de la sorte. Ce n’est qu’une fois qu’ils ont pu résoudre leur problème qu’ils rédigent éventuellement leur article en suivant ce plan. Et encore, cela n’est plus vrai aujourd’hui.
C’est dire que cette démarche très élaborée, trop sophistiquée en fait, n’est qu’une méthode reconstruite après que le chercheur ait “trouvé” ! Dans le quotidien du laboratoire, rien ne se passe de façon aussi planifiée. En fait, la démarche scientifique n’est jamais une approche simple et linéaire. Il est très difficile d’imaginer immédiatement  la “bonne” hypothèse. De plus, une seule expérience ne suffit pas pour la vérifier. De nombreux détours sont toujours nécessaires.

Méthodes “actives” : attention !

Quand on pense “démarche expérimentale”, on pense tout de suite aux méthodes actives. On propose aux élèves de mettre “la main à la pâte”. Malheureusement l'activité seule, telle qu’on l’envisage habituellement en classe, si elle est un “passage obligé” nécessaire pour motiver de jeunes enfants ou pour les conduire à imaginer des expériences, n'est pas suffisante pour les faire entrer dans une maîtrise de la démarche expérimentale. N’oublions pas qu’un scientifique passe plus de 90% de son temps à faire autre chose que des expériences !
Dans une approche dite “active”, telle qu’on la pratique habituellement, l'élève ne verra le plus souvent que ce qu'il veut bien voir. Il ne comprendra que ce qu'il peut comprendre. Une approche expérimentale demande de mettre en oeuvre de multiples stratégies mentales.
Pour l’élève, l’important est d’entrer dans une activité mentale. Il peut s’activer avec ses mains ou avec son corps tout en restant passif avec sa tête : il peut être actif sans être acteur. C’est ce qui se passe lorsqu’il suit une liste de consignes imposées par une fiche-guide ou un document d’activités. Et c’est encore pire quand il doit remplir un questionnaire à trous. Dans tous ces exemples, il exécute une série de gestes qui  peuvent n’avoir aucun sens pour lui. Il agit mais sans savoir pourquoi.
Les évaluations menées par les chercheurs sont formelles sur ce plan. L’élève peut trouver un résultat exact sans pour autant acquérir un savoir au plan méthodologique. Pire, souvent on le dégoûte pour longtemps des sciences !
En classe, une approche expérimentale ne suppose pas que l’apprenant s’active ou même manipule sans cesse. L’important est qu’il soit d’abord interpellé, qu’il se questionne. Toute approche scientifique est une recherche de réponses à des problèmes que l’on se pose. Pour comprendre, il est nécessaire, non pas de “s’activer pour s’activer”, mais d’être personnellement confronté à des objets ou à des phénomènes.
Etre acteur peut se manifester par des moments ”papier-crayon” où l’élève peut imaginer ce qui va se passer s’il fait telle ou telle expérience. Bien sûr, il en est de même dans les discussions de groupe, quand il s’agit de confronter les  résultats obtenus, quand on éprouve le besoin de les mettre en relation, ou lorsqu’on discute des limites de la méthode employée.

 

PRIORITE À UNE ATTITUDE SCIENTIFIQUE

Pour que le projet pédagogique soit efficace, il faut d'abord s'interroger sur ce qu'est une démarche scientifique dite “expérimentale”. Pour cela, commençons par réfléchir à ce qu’est  une attitude scientifique (1).   
On appelle “attitude scientifique”, un regard particulier porté sur le monde qui nous entoure (y compris nous-mêmes !). L'individu, “sensibilisé” à une telle approche, ne se contente plus de “croire pour croire” ; il ne cherche plus à “se raconter des histoires” pour expliquer les événements qu’il rencontre. Il ne lui suffit plus de demander ce qu'il doit savoir et ce qu’il doit faire à des spécialistes ou à quelques gourous : il se met à chercher par lui-même, à partir de ses propres interrogations.
Il essaie de comprendre ce qui se passe autour de lui ; il commence à se poser des questions. Il tente de clarifier la situation pour connaître ce qui peut paraître pertinent, et se pose des problèmes qu’il tente de résoudre. Cela le conduit à formuler des idées (pas forcément une seule) lui permettant d’expliquer ou de faire des prévisions.
Mais il n’en reste pas là ; il pousse encore plus loin sa démarche. Il cherche des arguments pour conforter ses idées. Cela change totalement le statut de son explication : de simple affirmation ou d’argument d’autorité, sa proposition devient un “possible”.
Il s’agit encore d’argumenter cette supposition en utilisant ce qu’il sait déjà, et de la tester en interrogeant le réel. Le voilà donc éprouvant le besoin d’expérimenter ! Des “expériences” et non de simples manipulations ! Il s’agit d’inventer des dispositifs pour mettre à l’épreuve ce qu’il pense. Il doit “voir” si la nature répond tel qu’il l’avait pensé.

C’est donc un certain nombre de comportements qui doivent pré-exister ou se mettre en place au début du processus éducatif.
C’est aussi un ensemble de capacités qui, fonctionnant ensemble, vont constituer une véritable attitude expérimentale : 
- l’envie de rechercher (capacité de chercher à comprendre)
- la curiosité (capacité à se poser des questions)
- la confiance en soi (volonté de trouver par soi-même)
- l’esprit critique (disposition à remettre en cause ses idées ou celles qui viennent des autres)
- la créativité (capacité divergente qui permet de faire émerger des idées ou des dispositifs)
- l’ouverture aux autres (prise en compte de l’autre sur le plan de la pensée - ce que l’on nomme couramment la communication - ou de l’action - coopération -).

Tous ces comportements sont indispensables. Ils constituent  le “moteur” qui entraîne la démarche de recherche. L’action sur les objets, si elle est  nécessaire, n’est en aucun cas suffisante. L’élève doit pouvoir exprimer ce qu’il suppose, mettre en oeuvre des démarches, confronter ses idées à celles des autres élèves ou à des documents. Il doit tisser des liens entre ses idées, s’appuyer sur un (ou plusieurs) schéma(s) ou modèle(s). Eventuellement, il doit pouvoir mobiliser son savoir dans d’autres situations, et même prendre le temps de réfléchir sur ce qu’il a fait (métacognition).
Tout au long de ce long processus, l’élève doit encore garder confiance en lui, même quand, placé devant un fait qui contredit ses conceptions, il est perturbé par ce qu’il croit savoir.  Il lui faut aussi imaginer ce qui peut se passer, ou inventer un procédé d’observation. A tout moment, il doit être en interaction avec d’autres. Et, d’une manière générale, il lui est indispensable de trouver une signification à ce qu’il fait.

Le développement de ces attitudes doit être mis en œuvre très tôt, dès l'école enfantine (école maternelle). La plupart de ces capacités pré-existent chez l’enfant très jeune qui se pose des questions, même s’il ne sait pas très bien les formuler, et qui est confronté à d’autres individus. Il s’agit d’entretenir et de développer ces attitudes. Plus tard, une telle initiation scientifique peut encore se réaliser, toutefois elle devient plus laborieuse.  
Dans l'éducation, telle qu'elle est habituellement menée, la curiosité, l'envie de chercher et la possibilité de se questionner sont des potentialités qui décroissent tout au long de la scolarité. Le jeune enfant se pose (et pose) de nombreuses questions qui peuvent être le point de départ de recherches. Dans les premières classes de l’enseignement secondaire, cette capacité, quand elle est sollicitée, reste encore intacte. Mais ce n'est plus le cas dans les classes terminales où des approches spécifiques doivent être mises en place pour générer à nouveau cette “soif” de savoir. Cela demande beaucoup d'énergie et une attention bien particulière de la part des enseignants. Ceux-ci  doivent redoubler d'astuces et mettre en place des situations particulières pour redonner envie de chercher (situations-problèmes par exemple). Et c’est parfois une véritable “thérapie” qu’il s’agit de mettre en place.

QU’EST CE QU’UNE DEMARCHE EXPERIMENTALE ?

Une démarche expérimentale peut recouvrir des activités  extrêmement variées. En effet, elle se présente de façon très diverse en chimie, en immunologie ou en physique des particules (2). Alors, comment définir, d’une manière générale, ce qu’est une “démarche scientifique” ?
Trois principaux moments forts sont présents en permanence :
- une question ; le plus souvent, il y en a plusieurs, imbriquées les unes dans les autres, ce qui constitue un problème ;
- une hypothèse, c’est à dire une explication possible sur ce qui se passe et qui doit faire l’objet d’une mise à l’épreuve ;
- une argumentation pour tenter d’étayer cette idée.
Ces trois éléments sont d’ailleurs difficiles à séparer ; ils fonctionnent en général comme un tout, ou plutôt comme un système, avec des interactions multiples et des feed-backs. C’est dans le cadre de l’argumentation qu’interviennent des expériences.

Systèmes d’interactions

En effet, une démarche expérimentale est une tentative de réponse à une question, ou du moins à une situation qui pose problème(s). L’individu est face à quelque chose qui l'intrigue, qui l’interpelle. Il constate un décalage entre le réel, du moins tel qu’il le perçoit, et l’idée qu’il s’en fait. La situation le préoccupe, il a envie de savoir. Parfois il y est contraint pour des nécessités vitales, par exemple quand il doit trouver de nouvelles ressources alimentaires ou faire face à un nouveau danger.
Au départ la question peut ne pas être précise, elle peut même être implicite (une “expérience pour voir”). La formulation d’une hypothèse va affiner la question. Remarquons au passage que celle qui est présentée en fin de parcours est rarement la question que se posait le chercheur au départ : c’est une nouvelle formulation qui résulte des discussions tirées de l’expérimentation.
Il en est de même pour l’hypothèse. Les résultats d’une première série d’expériences conduisent à la retravailler, à l’affiner ou carrément à en proposer une autre.

Pour y répondre, l’individu avance des explications ou des prévisions. Mais, avant de les affirmer, il prend du recul et tente de les éprouver. Ces affirmations, qui vont être testées, deviennent des suppositions et prennent en sciences le statut d’hypothèses (3).
La formulation d’une hypothèse est un moment créatif : il s'agit d’inventer une explication plausible. L’imaginaire y tient une grande place. Mais il ne s’agit pas d’imaginer n’importe quoi ! L’hypothèse doit être cohérente ; elle doit être en phase avec les savoirs reconnus de l’époque. Il faut donc argumenter cette hypothèse.
Avant d’expérimenter, il s’agit de savoir ce qu’on sait déjà sur la question. Qu’est-ce qui est connu ? Qu’est-ce qui continue à poser problème ? Quel sont les éléments de réponses que l’on maîtrise bien ? Qu’est-ce que l’on ne connaît pas ? En effet, on comprend aisément qu’il est  inutile de réinventer le monde à chaque instant, de refaire  le chemin parcouru par l'homme sur toutes les questions. Des savants ont pensé, cherché, expérimenté, trouvé et écrit. Les livres font partie de la mémoire collective de l'humanité et il n'est pas question d'en faire l'économie (4) .
L'outil documentaire, comme l'expérience, doit être utilisé pour la validation d'hypothèses, pour l'argumentation. Au service de la démarche, il doit apporter des éléments qui, reliés entre eux, en allant dans le même sens ou en se contredisant, vont aider à la construction d’un nouveau savoir. Les livres, les documents scientifiques, aujourd’hui les bases de données sur Internet, sont une source considérable d’informations (5). Bien sûr, il ne s’agit pas de prendre systématiquement  ces données pour argent comptant ; il est essentiel d’exercer son esprit critique et, le plus souvent, de les “vérifier” en interrogeant directement la nature. C’est là que se situe la place des expériences.
Cette phase d’expérimentation demande toujours un protocole précis. Il s’agit :
- de décrire de façon précise le matériel et les produits utilisés
- d’indiquer une à une les étapes de la démarche ou encore le dispositif technique approprié.
Un ou plusieurs “témoins” sont nécessaires afin de faire des comparaisons fondées.

A ce niveau, quelques précisions supplémentaires sont nécessaires. D’abord, quand on a énoncé un hypothèse, il n’est pas possible de la valider totalement même si toutes les expériences menées tendent à la confirmer. Il ne suffit pas d’avoir observé dix mille cygnes blancs pour affirmer que tous les cygnes sont blancs ! Par contre, une seule expérience la contredisant peut suffire à la remettre en cause.Tant que l’hypothèse tient, on dit plutôt que l’expérience “corrobore” l’hypothèse. Si l’on voulait être encore plus précis, il faudrait dire l’expérience corrobore les conséquences de l’hypothèse.

Ensuite, il faut ajouter qu’une seule expérience n’est jamais probante ; il faut pouvoir la reproduire à l’identique de nombreuses fois.

Enfin, sachons que l’expérimentation reste toujours un artifice. Elle n’apporte aucune information en elle-même. Elle n’acquiert de sens qu’en interaction avec d’autres expériences et surtout en relation avec l’hypothèse qui lui procure son cadre de questionnement et d’interprétation.
A la limite, un fait n’existe pas en soi. Déjà, il n’est perçu que si on possède une grille d’analyse qui permet de l’enregistrer. Pour expérimenter sur la chaleur, il faut avoir défini une unité de température (degré) permettant de construire des instruments de mesure. Les qualités sensibles (“chaud” - “froid”, “sec” - ”humide”) sont nettement insuffisantes.

ET DANS LA CLASSE ?

Sur le plan de la pratique de classe, une démarche expérimentale ne se limite pas à faire des expériences de façon immédiate ou spontanée… et uniquement des expériences. Nombre de pédagogues se perdent dans cette voie par manque de culture scientifique ! Une expérimentation s’inscrit dans un processus de clarification, d’explicitation, de formulation. Certes, elle a une place particulière, mais elle est loin de constituer toute la démarche scientifique. L’expérience n’est qu’un moment privilégié de la démarche scientifique expérimentale. Celui où l’on questionne la nature pour savoir si elle “répond” comme le modèle explicatif avancé le prévoyait (hypothèses formulées). C’est uniquement le moment du test. Celui-ci n’a de sens qu’au sein d’une dynamique complexe.

Un ensemble de phases, nécessitant autre chose que des expériences, se situent en amont et en aval. Avant d’expérimenter, il est indispensable de poser clairement le problème que l’on traite. Comme nous l’avons dit plus haut, il s’agit de ne pas “réinventer l’eau tiède”! Une phase de documentation est souvent indispensable (6). Au laboratoire, cette phase est très longue, elle peut prendre plus de 90% du temps du chercheur.
En aval, il s’agit encore de décoder et d’interpréter les résultats : ils ne sont jamais évidents. Cela aboutit à l’énonciation d’une loi ou l’élaboration d’un modèle explicatif. Il faut enfin argumenter pour convaincre les autres. Il ne suffit pas de trouver, encore faut-il savoir “faire passer” ses idées : la communication de ses recherches fait partie intégrante de la démarche expérimentale. Et une expérience seule ne suffit jamais, c’est souvent un ensemble convergent de résultats d’expériences qui peuvent emporter l’adhésion.

La formulation du problème. Les questions immédiates des élèves ne doivent pas faire illusion. Elles peuvent masquer les vraies préoccupations. Un élève qui pose des questions sur la façon dont la maman souris élève ses petits peut avoir des préoccupations sur sa propre relation à sa mère. A contrario, d’autres enfants peuvent ne pas poser explicitement de questions, ils peuvent avancer des propos purement descriptifs ou avoir une vision du monde purement égocentrique. Cela peut, malgré tout, constituer le point de départ d’un questionnement (voir encadré premières expérimentations). La naïveté de certains enfants, leur maladresse même,correspondent parfois à un début de prise de conscience ; elles peuvent générer un tâtonnement.
Dans tous les cas, une phase de “maturation” est nécessaire. Elle a pour but de conduire les enfants à expliciter ce qu’ils cherchent. Habituellement, on fait trop vite expérimenter sur des questions incomprises, mal intégrées et même mal formulées. Pour de jeunes enfants, cette phase de formulation a besoin de se réaliser à travers des investigations réelles (observations, expériences “pour voir”, tâtonnements, enquêtes...), bien que le passage par le dessin (pour les plus jeunes) ou par l’écrit soit toujours un moyen d’avancer.
Avec des élèves plus âgés, l’enseignant peut exiger qu’ils précisent par écrit :
            - “ce qu’ils cherchent”,
            - “ce qu’ils pensent qu’il va se passer” (émission d’hypothèses).
Il importe même qu’ils avancent plusieurs hypothèses. Un travail de confrontation dans un groupe peut faciliter à la fois une prise de recul pour préciser le problème, l’émission de plusieurs hypothèses et un début d’argumentation pour chacune d’elles. Seules celles qui “tiennent encore la route”, après documentation et discussion, seront testées par des expériences.
Le maître peut faciliter ce travail d’explicitation en posant des questions sur la démarche des élèves, afin que ceux-ci précisent leurs idées. Il doit favoriser :
            - l’expression de ces idées ce qui permet aux élèves d’affiner leur point de vue (“Essaie de préciser ce que tu penses”, “Qu’est-ce que tu veux dire?”…) ;
            - la formulation d’arguments (“Es-tu sûr de ce que tu dis ? “, “Qu’est-ce qui te permet de dire cela ?”) ;
            - l’expression des hypothèses (il peut reprendre sur un ton interrogatif, ce qui est avancé sur un ton affirmatif).
Avec de jeunes élèves, il doit accepter le foisonnement des remarques et des idées. La discussion permet de les reprendre, voire de les mettre en relation. L’enseignant ne doit pas hésiter à les écrire au tableau ou sur un transparent de rétroprojecteur. Avec des élèves plus âgés, il peut exiger un travail de tri par les élèves eux-mêmes.

- A titre d’exemple, voici quelques idées d’élèves (12-13 ans) émises dans un groupe de travail à propos de “lampes (ampoules) qui éclairent” :
Albert. “C’est les deux courants électriques qui se battent. C’est pour ça que ça éclaire”.
Mirko. “Le courant électrique en passant rend le fil rouge (filament de la lampe), parce que les électrons se frottent”.
Amélie. “C’est de la poudre noire qui est en bas de l’ampoule qui explose dans le verre”.
Hint. “C’est la vapeur de l’ampoule qui chauffe avec le courant”.
Pour faire préciser certains points, le professeur peut proposer ensuite de récapituler toutes les idées, puis de les prendre une par une pour les faire confronter :
Hint. “Il n’y a pas de poudre noire dans l’ampoule, et j’ai lu qu’il y a bien un gaz dans l’ampoule”.
Une fois que chaque idée est argumentée, il peut demander : “Qu’est ce que vous pouvez faire pour savoir laquelle de vos propositions explique le mieux ce qui se passe réellement dans l’ampoule ?”.
Les élèves recherchent de la documentation sur les ampoules. Le maître peut leur proposer du matériel pour qu’ils envisagent des recherches : “Je peux vous donner des petites ampoules que vous pourrez démonter, ainsi que du fil et des piles. Mais avant, écrivez ce que vous comptez faire et pourquoi”.

La recherche d’arguments en direct. Une partie des arguments propre à corroborer les hypothèses peut être trouvée dans la documentation. Si rien n’a été repéré à leur sujet, les élèves peuvent alors imaginer un ou plusieurs dispositif(s) pour tester chacune des hypothèses.

Quand il s’agit de tester les facteurs (paramètres) qui agissent sur un “phénomène”, on envisage de les faire varier, un à la fois, le reste restant “égal par ailleurs”, comme l’on dit.
Exemple : “Pour le développement des moisissures, est-ce “l’humidité” ou “le sec” qui fait se développer des moisissures sur les confitures ? ”
L’élève prépare plusieurs “pots” identiques : même confiture, en même quantité, placée dans les mêmes conditions de température et d’éclairement. Une série de pots sera mise dans des conditions d’humidité, l’autre dans des conditions de sécheresse. D’autres séries seront préparées en parallèle pour savoir “si le froid ou la chaleur ou la lumière ou l’obscurité” jouent également un rôle.
Il est toujours souhaitable de bien faire préciser ces paramètres. Par exemple, “l’humide” est souvent perçu comme forcément froid, “le chaud” comme sec (pensez au climat tropical qui est en même temps très chaud et très humide !).
D’autres facteurs peuvent encore être avancés : la présence de “sucre”, ou de “petites araignées qui tissent leur toile”… Il importe de faire préciser le statut de ces différents facteurs :
            - humidité, chaleur, lumière = conditions de l’environnement ;
            - sucre = nourriture ;
            - “petites araignées” = origine possible du phénomène.

Une combinatoire des facteurs doit être parfois envisagée : plusieurs facteurs peuvent agir en synergie ou, inversement, se contrarier :
            - humidité + froid + lumière
            - humidité + froid + obscurité
            - humidité + chaleur + lumière
            - humidité + chaleur  + obscurité
            - sécheresse + froid + lumière
            - etc.

Des séries d’expériences devront alors être réalisées (dans ce cas : 8 séries). Le travail technique ne doit pas être évacué (“Comment réaliser des conditions d’humidité permanente  ?”). Des dispositifs peuvent à leur tour être testés pour leur pertinence, leur efficacité ou leur fiabilité.
L’idée de la présence de “petites araignées”, comme toute explication sur l’origine du phénomène (“c’est la cause”), peut faire l’objet d’un traitement spécifique. Ici, des observations à l’oeil nu, puis avec une loupe binoculaire, peuvent montrer l’absence de ces animaux. D’autres hypothèses peuvent alors être imaginées et testées par des expériences et des contre-expériences. Dans ce cas, on peut tenter de stériliser le milieu de culture pour observer la non-prolifération des moisissures. Mais, au préalable, un nouveau travail de documentation a pu être entrepris pour “rechercher ce qu’est une moisissure”, pour voir “comment elle vit”. Retrouve-t-on les résultats des expériences ci-dessus ? Et surtout, “Comment la moisissure se reproduit et se développe ?”.
Ce travail doit être mis en relation avec d’autres idées que peuvent émettre les enfants : “Les moisissures, c’est comme le fer qui rouille” ou “C’est comme les lichens sur les rochers, à la montagne”. Un travail de comparaison ou de distinction doit être entrepris pour bien repérer les particularités de chaque phénomène. C’est souvent en prenant conscience des différences que l’élève apprend.

Les approches complémentaires. Il faut préciser que l’expérience-test, au sens strict, n’est pas toujours possible, comme on vient de le voir. D’autres approches peuvent la remplacer :
            - l’observation directe ou avec un appareil optique (loupe, jumelles,..) ; dans ce cas, on se contente de regarder, sans perturber la nature par un artifice (“Dans l’expérience on fait varier quelque chose et dans l’observation on ne bouge rien”) ;
            - la classification ; on recherche des indicateurs pour faire des catégories différentes ;
            - la sériation ; à l’aide d’un paramètre, on classe les éléments du plus petit au plus grand, du plus léger au plus lourd ;
            - l’enquête ; on pose des questions à un ensemble de personnes pour recueillir les informations nécessaires ;
            - le repérage ou la mesure ; à l’aide d’un instrument (thermomètre, balance...), on évalue des quantités ou on repère des niveaux ;
            - le dénombrement : dans le cas de populations ou de phénomènes de trop grande amplitude ne pouvant pas être pris totalement en compte, on travaille sur un échantillon et on fait des estimations.

Pour toute démarche expérimentale, l’acquisition de techniques est un complément indispensable :
- techniques optiques : loupe, binoculaire, microscope,
- techniques de mesure : mètre, récipient doseur, balance, thermomètre, baromètre, montre, boussole, etc..
- techniques d’enregistrement : graphe, appareil photo, magnétophone, magnétoscope,
- techniques de dissection,
- techniques de chimie (réactifs colorés), de biochimie ou d’immunologie (test),
- techniques d’élevages et de cultures,
- techniques de construction,
- techniques de dessin,
- techniques informatiques,
- techniques de planification du travail, etc.

Dans le cas où le phénomène est trop complexe, la démarche expérimentale peut être complétée par des modélisations et par des simulations.

ET APRES ?

Ajoutons que la démarche expérimentale n'est pas la seule démarche scientifique. A côté de cette approche que l’on pourrait qualifier d’analytique (on décompose le phénomène en ses parties et on essaie de comprendre chacune d’elles, séparément), il importe aujourd’hui de développer, dès l'école enfantine, une démarche systémique ou une démarche pragmatique (7) .   


SI VOUS DEVEZ RETENIR UNE IDEE IMPORTANTE…
SI VOUS AVEZ ENVIE DE TENTER UNE EXPERIENCE…

“Expérimenter” ne signifie pas “manipuler”. En effet, il ne faut pas confondre être actif avec ses mains et être acteur avec sa tête. Les élèves doivent se poser des questions, émettre leurs propres hypothèses (et pas seulement, une, la “bonne” !) concevoir des montages expérimentaux pour mettre à l’épreuve leurs idées, recueillir et analyser les résultats obtenus, en tirer des conclusions et présenter leurs recherches aux autres. Tout ceci n’étant pas linéaire mais  en interaction.
Et si vous tentiez de mettre en place une situation qui étonne les élèves, qui les fasse se questionner  ? Et si vous les aidiez à suivre leur propre méthode de recherche ? Et si vous les incitiez à réfléchir sur leur propre démarche afin qu’ils se l’approprient en profondeur ?





Une première approche expérimentale

Les élevages ou les cultures sont une bonne source de questionnement pour l’enfant ou l’adolescent. De nombreux problèmes peuvent en découler concernant le mode de vie des animaux ou des plantes, l’environnement qui leur est favorable ou les soins à leur apporter.
La moindre question anodine peut être source d’investigation.

Les vacances de Toussaint sont terminées, le niveau de l’aquarium des poissons rouges a baissé.
- Jacques. Il y a moins d’eau dans l’aquarium !
- Prof. Comment tu expliques cela ?
- Jacques. ...Les poissons l’ont bue...
-  Prof. Qu’est ce qui te permet de le dire ?
- Jacques. Où veux-tu qu’elle soit passée ? Elle a pas disparu par enchantement !
- Ahmed. Oui, où tu veux qu’elle aille cette eau ?
- Judith. Je les vois toujours ouvrir la bouche... Euh ! Est-ce que les poissons boivent ?
- Prof.  Qu’est ce qu’on peut faire pour savoir si ce sont les poissons qui l’ont bue ?

Discussion en groupe (4 élèves) suivie d’une mise en commun :
Ahmed - Pour boire (pour savoir si les poissons boivent), on va les peser.
- Jacques. Je veux bien peser mais comment on les pèse ? Ils vont mourir si on les sort de l’eau...
- Ahmed. On leur passe un élastique. On les pèse dans l’eau.
- Jeanne. Moi, je ne suis pas d’accord, ça pèse rien les poissons. Monsieur, est-ce que ça pèse un seul poisson ? On verra rien sur la balance. Il faut en mettre plusieurs...
- Prof. Quelle relation fais-tu entre la boisson et la masse (“poids”) du poisson ?
- Ahmed. Monsieur, s’il boit, il est plus gros.

Un problème réel est posé. Une explication est proposée, c’est une affirmation : “les poissons l’ont bue”. L’enseignant cherche à les faire argumenter. Il tente de les amener à mettre à l’épreuve leur conception. Il veut ainsi les conduire vers l’idée d’hypothèse, c’est à dire d’affirmation dont on suspend le statut de vérité pour se donner les moyens de la “vérifier”.

A ce stade, le maître peut choisir plusieurs options.
Il peut les encourager à travailler sur les nouvelles questions qui ont surgi :
- Qu’est ce qu’on peut faire pour savoir si les poissons boivent ?
- Comment peser des poissons vivants ?
- Est-ce qu’un poisson pèse ? (cette élève avait idée qu’un seul petit poisson était trop léger pour qu’une variation sur la balance soit observable).
Au contraire, il peut leur apporter ces éléments pour ne pas qu’ils s’engluent dans de multiples directions qui les décourageraient peut-être.
- L’enseignant peut montrer que l’on peut peser un petit poisson en faisant constater qu’il y a bien un déplacement de l’aiguille sur la balance.
- Il peut proposer de peser le poisson dans un petit sac plastique (il importe, bien sûr, de faire comprendre le rôle de la tare, c’est à dire de la masse de l’eau pesée préalablement puis déduite de la masse totale).

Par un travail de groupe, les élèves vont alors mener une démarche pour vérifier “si le poisson a bien bu” ;
         - pesage du poisson avant,
         - pesage du poisson un jour après
         - estimation de l’eau qui a disparu pendant les vacances (ce dernier point demande un travail sur les volumes et une estimation de la quantité d’eau disparue par jour).

Le maître peut suggérer également de recommencer l’expérience avec un autre petit aquarium, pour être sûr que ce n’est pas un autre élément qui a pu intervenir :
- Jeanne. “C’est le chat de la concierge qui est venu boire l’eau, peut-être...”
Le maître peut également suggérer de mettre en parallèle un autre aquarium avec une vitre par dessus.

Compte rendu du travail de groupe (5 élèves) après recherches.
- “Nous avons fait l’expérience avec trois poissons dans trois aquariums, deux laissés ouverts, le troisième recouvert par une vitre.
Le poisson 1 pesait 54 grammes.
Le poisson 2 pesait 68 grammes.
Le poisson 3 pesait 76 grammes.
Un jour après
Le poisson 1 pesait 53 grammes.
Le poisson 2 pesait 70 grammes.
Le poisson 3 pesait 74 grammes.
Nous avons pesé les aquariums avec une grande balance
Aquarium 1 - avant : 1200 grammes ; après : 1180 grammes
Aquarium 2 - avant : 1220 grammes ; après : 1190 grammes
Aquarium 3 - avant : 1410 grammes ; après : 1410 grammes
Un poisson, le 2, a grossi ; les autres ont maigri... de quelques grammes.
Pourtant de l’eau a disparu, presque 20 grammes”.
(Il est intéressant de noter que les élèves n’ont pas du tout pris en compte l’aquarium 3, le résultat ne confirmant pas ce qu’ils attendaient !).

Commentaires des élèves après la présentation des résultats à la classe.
- Jeanne. Les poissons ont bien bu... mais ils n’ont pas grossi.
- Ahmed. ... et l’eau a bien disparu.
- Prof. Il me semble que 20 grammes d’eau ont disparu, mais les poissons n’ont pas grossi de vingt grammes. Alors, que s’est-il passé dans l’aquarium 3 ?
- Jacques. Les poissons ont bu, mais l’eau (la quantité d’eau) est la même.
- Prof. Comment vous l’expliquez ? ...
Souvent, les élèves qui ne sont pas directement impliqués dans la situation, arrivent, grâce à leur prise de recul, à faire progresser le problème.
- Yves. Tes poissons, ils boivent, mais aussi ils..., ils..., ils pissent. Euh !
- Marjorie. Et si... ils urinent, le poids (la masse), il change pas...
- Prof. Est-ce vrai que les poissons urinent ?
- Edith. C’est sûrement autre chose. Regarde avec la vitre (aquarium recouvert par la vitre), il ne s’est rien passé.
- Joaquim. Tu laisses une tasse au soleil, tu reviens le jour après, il y a plus rien...
- Sarah. T’as qu’à laisser ton aquarium sans les poissons, tu vas voir...
- Prof. Qu’est ce que tu veux dire par là ?
- Sarah. L’eau s’évapore.
Contestation dans la classe : “L’eau s’évapore que quand on chauffe”.
- Prof. Qui est d’accord avec le fait qu’il faut chauffer ? Et pourquoi ? Qui n’est pas d’accord et a des arguments à faire valoir ?

Le petit groupe se remet au travail. Les élèves imaginent de nouvelles expériences pour tester cette nouvelle hypothèse.
Après discussion, ils envisagent plusieurs coupelles avec la même quantité d’eau, certaines ouvertes, d’autres recouvertes d’un film plastique.

Par la suite, après nouvelle discussion avec la classe, ils vont faire des séries de deux coupelles (l’une ouverte, l’autre avec un film plastique) qu’ils vont disposer :
- dans la classe : une série à la lumière et une à l’obscurité,
                         : une série sur un radiateur et l’autre dans un frigidaire,
- à l’extérieur, une série à la lumière et à l’obscurité.
Cette combinatoire de manipulations permet de confirmer que l’évaporation existe déjà  à la température normale.

- Prof. Mais quels sont les facteurs favorisant l’évaporation ?
Un inventaire peut être dressé : la température, le “vent”, l’agitation de l’air.
Une expérience avec un ventilateur permet de montrer que dans la classe l’évaporation peut être augmentée de la sorte.

L’enseignant peut encore conduire les élèves à faire des relations avec des phénomènes de la vie courante :
- le séchage du linge dans les prés (à la campagne),
- le sèche-cheveux de la piscine,
- le séchage de la peau, après un bain au soleil.
- etc.

Ces investigations peuvent être prolongées sans problème si les élèves sont motivés.
- Des expériences, avec de l’eau chauffée par des résistances électriques à température constante, permettent d’établir des courbes d’évaporation en relation avec la température.
- D’autres expériences avec des récipients de diamètre plus ou moins grand contenant la même quantité d’eau permettent d’établir une relation entre évaporation et surface de contact avec l’air.
- Des travaux sur l’évaporation de la mer et des lacs peuvent conduire au cycle de l’eau.
Des recherches sur la transpiration de la peau ou sur divers appareillages qui conservent le vin ou le beurre au frais, en jouant sur le principe de l’évaporation de l’eau, peuvent conduire à travailler les relations entre évaporation et énergie (pour le collège ou le lycée).

A travers de telles démarches scientifiques, on peut tirer plusieurs enseignements.
1. Certaines questions, qui semblent “farfelues”, peuvent être le point de départ de recherches très riches.
2. La question au départ n’est pas celle qui sera présentée dans le compte rendu final :
Compte rendu des élèves dans leur classeur d’expériences :
“Nous avons étudié le phénomène de l’évaporation. Qu’est-ce qui le favorise ?”
Dans les laboratoires, les chercheurs reformulent aussi leur problème au fur et à mesure qu’ils expérimentent. Ce n’est que quand ils ont abouti qu’ils élaborent leur question.
En classe, on fait travailler trop souvent les élèves sur des questions figées, parce que l’enseignant en possède déjà la réponse. L’important se situe plus dans le cheminement, dans la dynamique de recherche que dans les résultats.

3. La formulation des hypothèses n’est pas une démarche évidente pour les élèves. Le plus souvent, ceux-ci avancent une explication… et une seule. Elle a pour eux le statut d’affirmation.
L’enseignant peut les conduire à formuler plusieurs hypothèses en leur proposant de rechercher des arguments et en leur demandant d’imaginer des expériences pour les tester. Ainsi, l’affirmation devient une supposition qu’il s’agit de mettre à l’épreuve.

Le passage à l’écrit, lors du compte rendu des expériences, favorise la formulation d’hypothèses. Pour les plus jeunes (école maternelle), le dessin peut se substituer à l’écrit.
Voici le compte rendu des élèves à propos des causes de l’évaporation :
“Notre hypothèse était que la température favorisait l’évaporation. Plusieurs phénomènes nous ont fait penser à cela : le séchage du linge et de la peau au soleil.
Pour vérifier, nous avons eu l’idée de faire les expériences suivantes...

                                           

 
Idées d’expérimentations

Trop souvent, on pense qu’on ne peut expérimenter que sur un petit nombre de sujets d’études, toujours les mêmes (circuits électriques, germination des graines, etc.). En fait, beaucoup de domaines se prêtent à l’expérimentation.

Pour la classe, les seules véritables limites sont les suivantes.
- Le temps. Une recherche demande un temps relativement long. Il est toujours possible d’envisager quelques expériences qui se poursuivent en parallèle (on constatera les résultats trois mois plus tard ou, comme “fil rouge”, chaque semaine on prend 5 minutes pour faire le point sur l’évolution des montages).
- La dangerosité. On sait que les expérimentations, en particulier avec des mélanges de produits chimiques, demandent quelques précautions.
- Le coût. Beaucoup d’expériences, notamment en biochimie, en génétique ou en immunologie, peuvent nécessiter des appareillages onéreux. Toutefois, pour beaucoup de manipulations, on peut substituer du matériel “bricolé” à des ustensiles scientifiques sophistiqués. L’invention de l’appareillage est un moment important de créativité qui contribue souvent à faire “mûrir” une question.
- L’éthique. Peut-on se permettre d’expérimenter sur n’importe quel animal, même très éloigné de l’espèce humaine, des mammifères, des oiseaux… ? Une discussion sur les limites de l’expérimentation fait partie intégrante de la démarche expérimentale.

De nombreuses situations concrètes peuvent conduire à des démarches scientifiques.
1. Les cultures
Un coin “culture” dans la classe et, mieux encore, un petit jardin dans la cour, peuvent être source de multiples questions à élucider :
-“Combien de fois faut-il arroser ?”
- “Que faut-il donner à manger aux plantes ?”
- “Est-ce qu’on peut trouver des produits moins chimiques, moins toxiques pour supprimer les chenilles qui mangent les feuilles ?”
- Etc.
2. Les élevages
Un aquarium, un vivarium avec un élevage de petits animaux (hamsters, souris...), sont source de questions propres à motiver fortement les élèves.
- “Qu’est-ce qu’elle préfère manger, la souris ? C’est vrai qu’elle préfère le gruyère si elle a le choix ?”
- “Pourquoi les cloportes préfèrent se mettre sous les pierres, c’est à cause de la lumière ?”
- “Dans quels sols creusent les vers de terre ?”.

3. Les sorties
Les sorties dans un milieu dit “naturel” (parc, jardin, forêt, bord de mer,..) plongent l’enfant dans un environnement différent. De nombreux phénomènes peuvent l’interpeller.
-“Pourquoi la poussière verte est toujours du même côté sur les troncs d’arbres ?”
- “Qu’est-ce qui fait pousser les champignons ?”
- “Pourquoi la mer s’en va ?”
- “Comment les coquillages entrent dans le sable ?”
Il en est de même lors de visites d’artisans ou d’usines.
- “Pourquoi la pâte du pain gonfle ?” (boulangerie),
- “Qu’est ce qui fait bouillir le vin ?” (cave),
- “Comment fait-on pour avoir des couleurs différentes dans la peinture?”
- “La terre, c’est fait comment ?”.

4. Les jeux, les activités de construction
Déjà, de simples jeux avec des aimants, des ressorts, des clochettes, des lampes de poche ou même des élastiques sont source d’activités de recherche.
La construction de bateaux, d’avions, de cerfs-volants ou de fusées correspond à des activités très riches pour faire émerger un questionnement chez l’enfant ou chez l’adolescent.
- “Pourquoi s’il y un trou dans la coque du bateau, ça coule ? Et pourquoi l’eau rentre vite ?”
- “Je peux faire quoi pour que le bateau avance plus vite ?”
- “Qu’est-ce que je peux ajouter à la fusée pour qu’elle monte droit ?”

5. Les activités ou les situations prises dans le quotidien
Dans la vie courante, de nombreuses questions se posent à l’enfant et peuvent être exploitées en classe.
- “Pourquoi ça met plus de temps de faire cuire des pâtes à la montagne ?”
- “Qu’est-ce qui fait que les légumes cuisent plus vite dans la cocotte-minute ?”
- “Pourquoi les aliments se conservent mieux au réfrigérateur ?”
- “Qu’est ce qui fait que la chasse d’eau s’arrête ?”
- “Pourquoi l’eau elle monte jusqu’au sixième étage sans rien (sans pompe) ?”
- “Pourquoi je pars vers l’avant quand la voiture freine ?”
- “Pourquoi ça monte ou ça descend dans le thermomètre ?”
- “Pourquoi il y a de la buée sur la vitre, l’hiver ?”
- “Pourquoi il sort de la buée de ma respiration quand il fait froid ?”
Le démontage des objets du quotidien peut constituer encore une autre piste possible.
Enfin, les enseignants ne doivent pas négliger l’actualité et les médias (journaux, télévision, Internet...) qui constituent une source de motivation permettant de s’interroger sur de multiples aspects de la vie.

 


Expérimenter… avec une télécommande !

Un simple objet du quotidien peut être une source de questionnement qui peut déboucher sur des activités expérimentales propres à comprendre son fonctionnement.
Sans vous donner les solutions, pour vous inciter à vous lancer vous-même, en tant qu’enseignant ou animateur, dans une telle recherche, nous vous présentons une série de suggestions.
Pour cela, il vous suffit d’utiliser la télécommande de votre poste de télévision !

Dans quel sens faut-il diriger votre télécommande pour qu’elle soit la plus efficace, et pourquoi ?
Que se passe-t-il si vous interposez, entre vous et la TV, une feuille de papier, plusieurs feuilles de papier, du carton, une feuille d’aluminium, une vitre ou une plaque de métal ?
Pouvez-vous allumer votre télévision à partir d’une autre pièce ? Pouvez-vous intervenir sur le téléviseur de votre voisin ?
Si vous êtes à l’extérieur, jusqu’à quelle distance pouvez-vous allumer votre télévision ?
De quel angle pouvez-vous incliner la télécommande pour qu’elle reste encore opératoire ?
Que se passe-t-il si vous entourez votre télécommande avec un journal (en laissant l’extrémité dégagée) ?
Que ce passe-t-il si, derrière vous, il y a un miroir et que vous dirigez la télécommande vers lui ? Faites de même si le miroir se trouve sur le côté.
Mais, au fait, comment “marche” une télécommande ?

Quelles démarches de recherches pouvez-vous mettre en place pour répondre à quelques uns de ces problèmes ?”
Pourquoi ne se pose-t-on plus de questions sur les objets du quotidien ?

Si vous avez tenté de répondre à quelques unes des questions précédentes, analysez quelle démarche vous avez utilisée. Avez-vous fait des hypothèses ? Avez-vous imaginé des expériences pour les mettre à l’épreuve ? Quels sont les nouveaux problèmes que vous vous posez maintenant ? Comment pourriez-vous les résoudre ?

E si vous avez un téléphone portable, essayez d’expérimenter  pour exploiter au mieux ses potentialités !

1. Pour en savoir plus sur la démarche expérimentale, lire chapitre 1, A Giordan, Une didactique pour les sciences expérimentales, Belin, 1999.

2. Si l’on travaille sur un thème d’astrophysique, il est très difficile de faire une expérience. Comment agir sur les étoiles et les planètes !

3. Les élèves ne perçoivent pas toujours que le mot “hypothèse” n’a pas le même sens dans les sciences et en mathématiques. En mathématiques, une hypothèse est un postulat que l’on pose au départ et sur lequel on va raisonner.

4. Le rôle de l’enseignant est de donner aux enfants les clés pour s'en servir. Mobiliser les compétences particulières de lecture : initier à la recherche par thèmes, par mots-clés, par associations d'idées, par approximation sémantique ; faire utiliser les index, les sommaires, les glossaires, les fichiers ; habituer à consulter les dictionnaires, les encyclopédies, les ouvrages de vulgarisation scientifique. La tâche est ambitieuse !

5. Pour la formation des enseignants, lire Febvre M. et Giordan A., Maîtriser l’information scientifique et médicales, Delachaux, 1998.

6. Certes avec de jeunes enfants, on peut la limiter. Mais il serait erroné de la gommer. Ce serait d’entrée leur ancrer une conception frustre de la démarche scientifique.

7. Voir André Giordan et Christian Souchon, Une éducation pour l’environnement, Z’Editions, 1995.